28 juin, conférence de presse : les terres agricoles bradées!

U Levante, GARDE, Pietralba Autrement

Conférence de presse 28 juin 2018, Aiacciu

LES TERRES AGRICOLES BRADÉES

Les associations U Levante, GARDE et Pietralba Autrement souhaitent alerter l’opinion sur la situation préoccupante des terres agricoles du littoral, qui sont la cible d’une pression spéculative sans précédent et s’urbanisent à un rythme effréné.

L’État et les collectivités locales portent une lourde responsabilité dans cette situation, du fait de leur passivité, voire parfois de leur complicité active.

Ainsi, dans de trop nombreuses communes, des permis de construire sont accordés sur des terrains de forte potentialité agropastorale, en violation délibérée de la loi Littoral et du Padduc. (Paragraphe 1).

La CTPENAF (Commission Territoriale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers), organisme consultatif censé examiner les demandes d’autorisation individuelle concernant des terres à vocation agricole, n’est jamais saisie, ni par le Préfet ni par l’Exécutif de la CdC lorsqu’un projet se situe dans une commune du littoral. Cette commission est donc empêchée d’assurer sa mission de contrôle. (Paragraphe 2).

Enfin, en mars dernier, l’annulation de la carte des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) du Padduc par le Tribunal administratif de Bastia fragilise encore davantage ces espaces. Bien qu’alertée par les associations de défense de l’environnement, la CdC n’a, à ce jour, rien entrepris pour corriger cette situation. (Paragraphe 3).

 1 – De nombreux permis de construire sont délibérément accordés sur des parcelles inconstructibles, en particulier dans les ESA (Espaces Stratégiques Agricoles)

Rappels :

  • la loi Littoral doit être appliquée depuis… 1986.
  • Le Padduc, qui précise la loi littoral en Corse, a été approuvé le 2 octobre 2015.
  • Aucune autorisation individuelle d’urbanisme ne peut être accordée si elle n’est pas conforme à la Loi Littoral et au Padduc, et ce, même en présence d’un POS ou d’un PLU non compatible avec ces textes.

Ces principes ont été rappelés encore récemment par les juridictions administratives :

  • « La circonstance que le terrain d’assiette soit classé en zone constructible du plan d’occupation des sols de la commune est sans influence sur l’appréciation de la légalité du permis attaqué au regard des dispositions particulières au littoral du code de l’urbanisme. » (Conseil d’État, 31/03/2017, n° 396938 et 392686).
  •    « La circonstance que les auteurs du règlement local d’urbanisme disposent d’un délai de 3 ans pour rendre compatible leur document avec le Padduc ne fait pas obstacle, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis de construire, à l’application de ce dernier. » (Conseil d’État, 31 mars 2017, n° 396938 et 392686 – Tribunal administratif de Bastia, 16 mars 2017, n° 1600730 et 1600954, Mme Marlot & autres).
  • « Lorsque le permis de construire attaqué méconnaît les dispositions de la loi littoral relatives aux espaces proches du rivage telles que précisées par le PADDUC, qu’il ne se situe pas en continuité d’un espace urbanisé au sens des dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme telles qu’éclairées par le PADDUC alors applicables, le PC est illégal. » TA Bastia.

 Ces principes sont régulièrement bafoués, de nombreux permis étant délivrés en violation tant de la loi Littoral que du Padduc, notamment dans des Espaces Stratégiques Agricoles censés être inconstructibles.

 Ces permis illégaux sont trop rarement déférés au Tribunal administratif par le Préfet. Voici quelques exemples :

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2 – La CTPENAF, Commission coprésidée par le Préfet et le Président de l’Exécutif/Président de l’agence de l’urbanisme, n’est jamais consultée sur les PC consommateurs d’ESA et d’espaces naturels délivrés dans les communes littorales.

La CTPENAF est instituée par les textes législatifs suivants :

  • Article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme

« La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° du I du présent article et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même I ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu’urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole, doivent être préalablement soumis pour avis par le représentant de l’État dans le département à la Commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai d’un mois à compter de la saisine de la commission ».

  • Article L. 112-1-2 du code rural et de la pêche maritime :

« En Corse, une commission territoriale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, présidée conjointement par le représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse et par le président du conseil exécutif ou leurs représentants, et composée en application des deux premiers alinéas de l’article L. 112-1-1, exerce, dans les mêmes conditions, les compétences dévolues par ce même article à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ».

La CTPENAF a été mise en place en Corse en juin 2016.

En conséquence, dans toute commune dépourvue de document local d’urbanisme, un projet ayant pour conséquence une réduction des surfaces agricoles, naturelles ou forestières situées dans les espaces autres qu’urbanisés, doit être préalablement soumis à la CTPENAF. (TA de Bastia N° 16007395, 5 avril 2018)

Les autorisations de construire délivrées en communes de montagne sont bien examinées par la CTPENAF depuis sa mise en place, mais les autorisations de construire délivrées en communes littorales ne le sont pas !

Depuis le début de l’activité de la CTPENAF, U Levante, membre de cette commission, demande que les autorisations d’urbanisme des communes du littoral soumises au RNU et qui consommeraient, notamment, des ESA, soient examinées pour avis par la CTPENAF. La CTPENAF, au cours de la réunion du 7 juin 2017, a décidé de le faire… mais ne l’a jamais fait.

Malgré de multiples relances auprès des coprésidents (Messieurs le Préfet et le Président de l’Exécutif), la Commission qui s’est tenue le mardi 5 juin 2018, après plusieurs mois de paralysie (absence de réunion depuis décembre 2017), n’a toujours eu aucune autorisation en commune littorale à examiner.

Pendant ce temps, la délivrance de certains permis illégaux sur les communes littorales continue en totale violation de lois. Mais les quelques permis en communes de montagne (là où il n’y a aucun enjeu) sont quant à eux bien examinés ! Aussi, nous réitérons nos questions :

Pourquoi aucun PC de commune littorale en RNU n’a-t-il été présenté en CTPENAF depuis sa création ? Pourquoi l’État fait-il blocage ?

 Pourquoi le Président de l’Exécutif ou son représentant, le Président de l’agence de l’urbanisme, laisse-t-il, sans contrôle, se multiplier les constructions sur le littoral ?

http://www.ulevante.fr/non-presentation-des-permis-de-construire-en-communes-littorales-lettre-ouverte-au-prefet-et-au-president-de-lexecutif/

3 –  ESA : la carte n° 9 du Padduc annulée, non remise en enquête publique par l’Exécutif de la CdC

Les jugements du TA antérieurs au 1er mars 2018 prenaient en compte l’inconstructibilité des ESA au titre de la carte n° 9 du Padduc.  Exemple, N° 1601030 Préfet/ Marez Ile-Rousse 

 De nombreux jugements du TA postérieurs au 1er mars 2018 refusent de prendre en compte l’inconstructibilité des ESA au seul titre de la carte n° 9. Exemples :  N° 16-1250. SA Castelli Frères c/ Commune de Porto-Vecchio  –  N° 17-1046. Préfet 2b c/ Commune de Tallone  –  N° 18-91. Préfet c/commune d’Ajaccio, Acqua Longa  –  N° 18-89. Préfet c/commune d’Ajaccio, Acqua Longa.

Selon le rapporteur public, pour chaque affaire : « Le préfet soutient que la parcelle support du projet relève du zonage des espaces stratégiques agricoles du Padduc, qui sont des espaces inconstructibles. Toutefois, pour justifier la situation du terrain d’assiette du projet au sein d’un ESA, le préfet se réfère uniquement à la cartographie du Padduc. Or, par plusieurs jugements récents, le tribunal de céans a annulé la cartographie des ESA du Padduc (TA Bastia, 01/03/2018, Commune de Peri, n° 1600452, PJ 1). Par suite, le moyen manque en droit et devra être écarté. »

Bilan : en raison d’un problème de forme intervenu pendant l’enquête publique, par décision du Tribunal administratif de Bastia en date du premier mars, la Corse ne dispose plus de cartes des ESA au 1/50 000. En d’autres termes, un permis de construire ou d’aménager ne peut plus être refusé, dans les communes dépourvues de document d’urbanisme, au seul motif que le projet est situé dans un ESA identifié sur la carte n° 9, celle-ci n’étant plus opposable. L’intégrité des terres agricoles de Corse est donc en péril : les terres agricoles ne bénéficient plus, en l’état, d’une protection juridique aussi efficace qu’auparavant.

Il serait facile à la CdC de remédier à cette situation.

De fait, lorsqu’une décision administrative est annulée en raison d’un vice de procédure (ce qui est le cas en l’espèce de la carte n° 9 du Padduc), il suffit, pour corriger la situation, que l’autorité administrative concernée reprenne la procédure en régularisant le vice identifié, sans avoir à modifier sa décision sur le fond.

Il suffirait donc à la CdC :

– de faire adopter, sans délai, par l’Assemblée de Corse, une nouvelle carte des ESA, identique à la précédente, sous la seule réserve du secteur de la plaine de Peri annulé par le TA pour erreur manifeste ;

– de soumettre immédiatement cette nouvelle carte à enquête publique.

Afin de limiter les dégâts, les associations de défense de l’environnement ont, le 10 avril, appelé l’Exécutif à réagir avec la célérité et la détermination que commandait cette situation d’urgence.

Dans le même but l’association U Levante a rencontré :  le groupe Andà per Dumane et le groupe Femu a Corsica le 29 mars à Aiacciu,  le président de la chambre d’agriculture 2B et le président de la chambre régionale d’agriculture le 13 avril à Bastia,  le président de la chambre d’agriculture 2A et le groupe Corsica Libera le 27 avril à Aiacciu.

Tous ont compris la gravité et l’urgence de la situation.

Pourtant, à ce jour, rien ne semble avoir été fait en vue de rétablir la carte des ESA. L’Exécutif de Corse a-t-il choisi de laisser perdurer le vide juridique actuel ? Pour quelles raisons ?

Nous réitérons solennellement notre appel : il en va de l’intégrité de nos terres agricoles et, à travers elle, de la survie de l’agriculture en Corse, il en va d’une diminution de l’accroissement effréné des constructions à but spéculatif.

Les fiches des PC cités :  

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