Aiacciu : projet de construction de la centrale EDF du Ricantu

U Levante demande la prolongation de l’enquête publique.

Par arrêté préfectoral n°2A-2018-11-20-07 en date du 20 novembre 2018, une enquête publique relative aux demandes d’autorisation environnementale concernant le projet de construction d’une centrale de production d’électricité à cycle combiné de 250 MW sur le territoire de la commune d’Ajaccio et de concession d’utilisation du domaine public maritime, destinée à l’implantation et à l’exploitation des canalisations de prise d’eau et de rejet en mer dans la baie du Ricanto, est prescrite durant 36 jours consécutifs, du vendredi 14 décembre 2018 à 9 h 00 au vendredi 18 janvier 2019 inclus à 17 h 00.

https://www.registre-dematerialise.fr/1065

L’absence de l’avis de la Commission de régulation de l’électricité (CRE) daté du 5 juillet 2018 intitulé « Expertise portant sur la PPE Corse – Dimensionnement de la centrale thermique du Ricanto » dans la documentation mise à la disposition du public constitue, à notre avis, un vice formel grave pour cette enquête publique.

U Levante a demandé auprès de Madame la Préfète, du Président du Tribunal administratif de Bastia et du Directeur général d’EDF – Production électrique insulaire (PEI)  que cet avis de la CRE soit porté à la connaissance du public et que l’enquête publique soit prolongée en conséquence.

Quant au fond du dossier nous reproduisons ci-après la contribution de l’Association  de défense de l’environnement Aria Linda à laquelle U Levante s’associe sans réserve.

Argumentaire enquête publique Ricantu

La puissance de la centrale du Ricantu à 250 MW (doublement par rapport au Vazzio) est contradictoire avec une stratégie de diminution du recours aux énergies fossiles ; cela n’incitera pas à développer les ENR. Par ailleurs les prévisions de demande en électricité ne correspondent plus à la tendance lorsque la demande augmentait de 3 % par an ; on se situe aujourd’hui autour de 2 200 GWh au même niveau qu’en 2008. Avec une politique efficace de Maîtrise de la demande d’électricité (MDE) et en intégrant la croissance démographique, les projections Edf donnent pour 2030 une consommation de 2 429 GWh, soit une croissance de 10,40 % sur 15 ans, soit 0,7 %/an loin de l’augmentation de plus de 3 %/an autour de 2005.

Ce qui conduit la CRE à envisager de revoir l’aide au stockage d’électricité face à une centrale qui lui semble surdimensionnée ; position contradictoire avec le développement prévu et souhaité des ENR et la possibilité de dépasser le seuil de 30 % (scénario étudié à 45 %)

Le rapport d’expertise de la CRE du 5 juillet 2018 sur la PPE Corse et la centrale du Ricantu conclue après l’étude de 5 scénarii à un surdimensionnement de la centrale du Ricantu à 250 MW. La CRE invite plutôt à une puissance proche de la centrale du Vazzio actuel à 120 MW.

Dans son avis d’octobre 2018, l’Autorité environnementale s’interroge sur la puissance de la centrale du Ricantu et son surdimensionnement. La piste du renforcement des câbles Sarco et Sacoi serait à étudier. La Corse a toujours le statut de ZNI (Zone non interconnectée) alors que son alimentation extérieure représente environ 28 %, alors qu’elle devrait en être exclue. L’avantage pour Edf c’est une rémunération jusqu’à 11 %  de ses investissements. Une situation qui pourrait être remise en cause.

Le circuit de refroidissement va rejeter devant la plage du Ricantu jusqu’à 20 000 m3/h à une température qui pourra atteindre +7°C. Cette eau plus chaude qui a un impact néfaste sur le milieu marin pourrait être valorisée par un réseau de chaleur. Là aussi contradiction avec la loi de transition énergétique. Avec un réseau de chaleur l’eau de rejet serait moins chaude donc moins nocive pour le milieu, cela diminuerait aussi la fixation des organismes marins dans les canalisations et pourrait permettre une chloration moindre.

La Directive européenne 2012/27/UE oblige à l’étude de faisabilité d’un réseau de chaleur pour toute installation supérieure à 20 MW.

Le Décret n° 2014-1363 du 14 novembre 2014 transpose en droit français l’article 14.5 de la directive 2012/27/UE relatif au raccordement d’installations productrices d’énergie fatale à des réseaux de chaleur ou de froid. Par chance, ou après un lobbying efficace, les installations de production d’électricité sont dispensées par dérogation de cette obligation. Même si la loi ne le prévoit pas, dans le contexte actuel, dans l’esprit de la transition énergétique, ne serait-il pas logique qu’Edf fasse une telle étude ?

Dans aucun document il n’est mentionné de périmètre d’exclusion d’activités nautiques et sous-marines de loisirs dans une zone de baignade très fréquentée l’été. Par exemple, la centrale Edf de Martigues-Ponteau fonctionnant en cycle combiné au gaz, dispose d’une telle zone d’exclusion. Les documents fournis ne mentionnent qu’une zone d’exclusion pendant la durée des travaux.

Les pêcheurs familiers du lieu affirment que les prises d’eau seront confrontées à un fort risque d’ensablement en raison de la courantologie du lieu.

La chloration en continu des canalisations en mer rejettera du bromoforme toxique dans le milieu marin ; les avis joints à l’EUP jugent ce rejet sans danger pour le milieu. C’est à démontrer.

La tierce expertise menée par l’Ifremer des 7 août et 6 novembre 2018 est très prudente dans ses conclusions ; elle se réfère à une recherche bibliographique tout en précisant que ce n’est pas son avis ! Les données sur les bromoformes et autres dérivés de l’électro-chloration en milieu marin manquent. L’Ifremer propose de les étudier. En tout cas pas d’avis tranché sur l’absence de toxicité. Par le passé, nombre de substances déclarées inoffensives se sont avérées par la suite toxiques.

Il n’est précisé nulle part que les eaux de refroidissement rejetées contiendront sans doute du cuivre et du zinc ; en quelle quantité ?

EDF SEI Corse a reçu 350 millions d’euros en 2017 pour compenser le surcoût de production de l’électricité dans l’île. Cette compensation provient de la CSPE prélevée sur la facture de chaque client, répondant au principe de la solidarité nationale. Cette compensation est une sorte de prime à la pollution alors que cet argent aurait été mieux employé à l’isolation des habitations, à la suppression progressive des cumulus électriques. La CRE (Commission de régulation de l’énergie) envisage à terme la disparition d’un tarif unique de l’électricité, ce qui se traduira en Corse par une hausse des factures. Avec le système de compensation tarifaire par la CSPE, Edf n’a eu aucun intérêt à développer une production électrique plus performante. Il a fallu la fin du système dérogatoire en 2023 et une obligation réglementaire de l’UE pour qu’une nouvelle centrale soit envisagée.