L'amiante en Corse

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Amiante en Corse : le fond de l'air craint

Ambiante - juin 1996

Tigliu : pulvericciu biancu : male assicuratu !

Encore une spécificité corse ! Différentes études ont confirmé l'existence d'une pathologie de l'amiante en Haute-Corse. Notre île présente les seuls affleurements importants d’amiante de France. Le rôle cancérigène de cette fibre a été largement exposé par les média en ce qui concerne son utilisation dans les bâtiments. En Castagniccia et dans le Cap les populations sont exposées naturellement aux mêmes risques. Ignorance, confidentialité et absence de mesures sont pourtant aujourd'hui encore de règle.

L’amiante est omniprésente dans notre quotidien, de notre grille-pain jusqu’au joint de notre chaudière en passant par les freins de la voiture et la sous-toiture en fibrociment.

Longtemps ignorés, puis minimisés, les risques de cancer et autres pathologies pulmonaires directement liés à l’amiante furent enfin reconnus en milieux professionnels puis, plus tardivement, dans notre quotidien domestique. Des dispositions réglementaires, plutôt tardives et incomplètes, ont été prises en 1977, 1988 et 1994 pour interdire certains types d’amiante (seule la chrysotile est actuellement autorisée) et pour limiter l’usage des fibres tolérées.

La pollution environnementale (atmosphère, sol et eau) due à la présence d'amiante dans certaines roches est absente des préoccupations des pouvoirs publics et des médias, et pour cause : le problème ne se pose qu’en Corse ! Pourtant depuis 1960 il est connu que les populations de la Corse du Nord-Est présentent des pathologies spécifiquement liées à l’amiante en suspension dans l’air. La confidentialité est de rigueur et risque de le demeurer puisque aucune enquête épidémiologique n’a été diligentée et qu’il n’existe aucun bilan critique sur la mortalité par pathologie pulmonaire. Et pourtant...

Qu'est-ce que l’amiante minéral ?

Le nom d’ amiante, ou asbeste, est un terme générique couvrant de nombreuses variétés de roches de composition chimique et de cristallisation différentes mais qui ont toutes en commun d’être d’origine métamorphique ( roches transformées par la pression et la température) et d’être cristallisées en fibres longues et extrêmement fines ( jusqu’à 2000 fois plus minces qu’un cheveu). Certaines sont de meilleure qualité par rapport aux usages attendus. Il en serait de plus dangereuses que d’autres pour la santé. Au jeu des 7 familles dans la famille amiante vous pouvez demander Chrysotile, Antigorite, Crocidolite, Anthophyllite, Tremolite et autres.

L’amiante est une substance minérale naturelle assez largement répandue et exploitée dans le monde (USA, ex URSS, Canada). En Europe les gisements remarquables se situent en Grèce, Turquie, Chypre et en ... Corse.

En Corse elle est très courante dans le Nord-Est de l’île, le Cap Corse et la Castagniccia, dans les “roches vertes” (serpentines). Sur le continent il existe très peu de gisements.

Le rôle cancérigène de l’amiante est reconnu depuis 1960 en milieux industriels et en tant que matériau de construction. Les pathologies liées à l'amiante peuvent être reconnues comme maladies professionnelles dans les industries de transformation, chez les ouvriers du bâtiment mettant en oeuvre des plaques de fibrociment , chez les garagistes ( plaquettes de frein) et bien d'autres. Ce matériau a été massivement utilisé comme matière isolante contre le feu et le bruit dans le bâtiment jusqu’en 1978, date de son interdiction pour cet usage. De nombreux pays européens en ont interdit toute utilisation depuis plusieurs années, la France a édicté une liste des usages interdits et une obligation de marquage pour les produits en contenant.

Le risque environnemental des populations exposées à un milieu naturellement pollué par des fibres en suspension dans l’air en Haute-Corse est également connu depuis 1960 suite au suivi médical des mineurs de Canari. C’est à cette occasion qu’une comparaison de radiographie des poumons avec une population témoin des environs, théoriquement indemne, à révélé un pourcentage anormalement élevé de porteurs de plaque pleurale. Depuis, différentes études (thèse de médecine, mémoire universitaire ...) sur les animaux et sur l’homme ont confirmé l’existence d’une pathologie de l’amiante en Haute Corse.

Extraits d’études :

“C’est donc dans le Cap Corse et surtout en Castagniccia que se situent de nombreux affleurements d’amiante responsables d’une pollution atmosphérique à l’origine d’une pathologie pleurale environnementale.” (Rey 94)

“Ces dernières années nous nous sommes particulièrement intéressés à la pathologie pleurale environnementale en Corse du Nord Est, et nous avons montré l’existence d’un excès de calcifications pleurales et de mésothéliomes dans cette région en relation avec une pollution atmosphérique par des fibres de trémolite” (Rey 94)

“Des enquêtes radiologiques menées dans plusieurs villages de la Haute-Corse (Merusaglia, Campile, Murato, Rutali, Bustanicu) établirent que dans ces villages exposés la fréquence des plaques pleurales atteignait en moyenne 33 % de la population de plus de 50 ans.” (Rey 94)

“ Ces plaques pleurales sont considérées comme un marqueur de l’exposition à l’amiante et non une maladie. Aucun argument ne permet d’affirmer qu’elles soient un facteur de risque de mésothéliome, bien qu’elles leur soient associées dans 43 % des cas.” (Rey 94)

“ Nous avons estimé l’incidence des mésothéliomes environnementaux en Corse du N E à 10 cas / 100 000 habitants, soit 100 fois l’incidence observée dans le population générale.” (Rey 94)

“Les prélèvements aériens dans les zones exposées présentent des concentrations pondérales moyennes de 40 nanogrammes / m3 ce qui correspond aux valeurs obtenues dans des locaux ignifugés à Paris” (Broccard 91)

“En 1983 (...) on trouvait un pourcentage de 4,29 % de sujets porteurs de plaques pleurales pour les personnes nées en Corse schisteuse alors qu’il n’y avait pas de plaques pour le groupe témoin de la zone granitique en Corse du Sud.” (Broccard 91)

“... sur 1710 sujets nés en Corse du Nord (...) 56 présentaient des plaques pleurales asbestosiques, soit 3,27 %.” (Broccard 91)

“...sur 48 patients âgés de plus de 50 ans nés à Murato (...) 22 % d’entre eux étaient porteurs de plaques soit 45,7 %.” (Broccard 91)

Isolons,isolons

L’amiante est un isolant, nul doute que certains en ont découvert un nouveau type...

En effet la DRIRE considère que le rapport de l’INERIS sur Canari est confidentiel (seule la note de synthèse est, difficilement, communicable), la DDASS n’a rien à signaler, le Ministère de l’Environnement, qui avait été à l’origine du recensement des sites pollués, n’ a, apparemment, plus aucune prérogative sur le sujet.

Le silence des médecins, qui ne sont pas encore, que nous sachions, des fonctionnaires tenus à une obligation de réserve, est également navrant. Tchernobyl, le sang contaminé, l'amiante : doit-on douter de leurs compétences ou de leur conscience ?

Ce risque environnemental de pollution atmosphérique n’a jamais été pris en compte par les pouvoirs publics qui n'ont engagé aucune enquête épidémiologique, ni même recommandé de précautions élémentaires. Pour la DDASS de Haute-Corse il n'y a aucun dossier ouvert à ce sujet, aucun bilan de la mortalité par pathologie pulmonaire. Les sites les plus potentiellement dangereux ne sont pas portés à la connaissance des élus et de la population. Au-delà de l'exposition chronique, tous les travaux de surface (travaux routiers, fondations, labours, prélèvement de matériaux) génèrent un risque accru . Ne pas informer en connaissance de cause relève de la carence à agir.

Propriétés et utilisations de l'amiante

La structure fibreuse de l’amiante lui confère une certaine souplesse. Elle est résistante aux hautes températures, à la traction, aux frictions, et, dans une certaine mesure, aux produits chimiques.

Ces qualités en ont fait un matériau de choix aux utilisations multiples. 3000 produits sont recensés dans l’industrie, l’automobile, l’électroménager, le bâtiment.

L’amiante est très difficilement détectable. La taille des fibres est tellement réduite qu’elles sont parfois invisibles au microscope optique (limite 0,000 02mm) ce qui implique l’utilisation du microscope électronique. Des techniques complémentaires sont ensuite nécessaires pour faire la différence entre les amiantes.

Les maladies dues à l'amiante.

Plusieurs maladies sont dues à l’amiante mais aucune n’est facilement décelable à l’avance à cause d’un temps de latence d’au moins 15 ans ( et jusqu’à plus de 40 ans). Toutes ces maladies se portent sur les poumons et ne sont pas forcément diagnostiquées comme ayant un rapport avec l’amiante.

Les maladies “bénignes”

Les maladies “malignes”

Rappelons que les filtres à base d'amiante pour produits liquides sont interdits.

Références bibliographiques

REY F., 1994, Evaluation de la charge pleurale en fibres d'amiante pathogènes chez l'animal et l'homme. Application à la pathologie environnementale en Corse du Nord Est. Thèse doctorat, Université de Provence, Aix.

BROCARD E.,1991, Données sur la charge pulmonaire en amiante chez l'homme. Essai d'évaluation dans l'espèce animale en Corse du Nord Est. Mémoire de maîtrise, Université de Corse, Corte.

BROCARD E., 1992, Etude minéralogique et chimique des fibres pathogènes et minéraux serpentineux de quelques gisements d'amiante de la Corse alpine. DESS, Université de Corse, Corte.

INERIS, 1995, Evaluation des risques liés à l'ancienne exploitation d'amiante de Canari. Rapport de synthèse, DRIRE, Ajaccio.

INRS,1995,Dossier la prévention face à l'amiante. Travail et sécurité, décembre 1995.

DELAUNAY F., 1996, Dossier l'amiante à la maison. Les Réalités de l'Ecologie, mars 1996.

Sigles

DRIRE : Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement

INERIS : Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques

DDASS : Direction Départementale à l'Action Sanitaire et Sociale

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