Le collectif citoyen de Calvi devant les tribunaux pour diffamation

Jugement hier. Délibéré fixé au 7 mars. Le procureur n'a pas requis.  

 

Le tribunal correctionnel de Toulon jugeait, hier, Anna Laura Cristofari, porte-parole du collectif citoyen de Calvi contre la spéculation et pour le droit au logement. 

Absente à l’audience, Christiane Andrieu Hummel (sénatrice maire UMP de Toulon et présidente de la société d’économie mixte Semexval), ne lui réclamait pas moins de 26 000 euros de dommages et intérêts pour diffamation publique, au nom, expliquait-elle par le biais de son avocat, « de son honneur bafoué ».

C’est avec la bénédiction d’Ange Santini, maire de Calvi que la Semexval (1), société d’économie mixte pour l’expansion de la commune de La Valette dans le Var veut construire un projet immobilier grand luxe, de ceux qui excluent les gens ordinaires. Du reste, au prix du mètre carré, la résidence « Les rivages de Calvi », ne risque pas de déchoir à cette promesse « d’entre soi » : double exposition, double terrasse, lumière côté mer, vue côté montagne… et il y a mieux : le projet est situé dans un espace encore naturel du site inscrit de la pinède de Calvi, théoriquement inconstructible.

Pertinemment, on peut s’interroger sur les objectifs de cette société d’économie mixte dont, par nature, la majorité des capitaux est détenue par les collectivités locales. La commune de Calvi détient depuis peu 1% de cette société. C’est la seule commune de Corse à être entrée dans le capital à hauteur de 2 250 euros (six actions). Les communes de la Valette-du-Var, Toulon, Cygnes (petite localité de montagne) et Hyères détiennent le reste.

Jusqu’où la commune de la Valette a-t-elle l’intention de s’étendre ? Pour être judicieuse, la question ne prête pas à sourire.

La Semexval réalise aussi en Corse de nombreux et très gros projets immobiliers. Plusieurs villes de Corse sont concernées et, en 2010, 59 % de son chiffre d’affaires était réalisé dans l’île: A Lucciana, le société a réalisé le lotissement communal Abeloni et projette des implantations résidentielles nouvelles dont le futur centre-ville avec un centre d’affaires et deux cents logements.  On peut encore citer un lotissement à Belgodère, ou l’extension d’un centre de formation à Furiani.

A Calvi les programmes Donateo, Campu Longu (plus d’une centaine de logements) ont été réalisés. Les Terrasses de Cardellu et les  Rivages de Calvi (94 logements) sont en attente… et les relations entre actionnaires sont au beau fixe. Le 13 février, le conseil municipal adoptait, à l’unanimité moins les trois voix de l’opposition, une nouvelle concession d’aménagement. Elle lie la commune à la SPLA Méditerranée (exSemexval) pour dix ans.

Reste que le projet Les Rivages de Calvi s’est heurté à l ‘opposition  d’un Collectif citoyen de Calvi contre la spéculation et pour le droit au logement, dont Anna Laura Cristofari est la porte-parole.

Ainsi, en avril 2011, le collectif publie, sur sa page Facebook, un article intitulé « La pinède de Calvi, le collectif et les spéculateurs ». L’argumentaire, repris sur le site internet de A Manca, développe un certain nombre de questions : « quel est l’intérêt, pour la Semexval, de se développer en Corse ? [… et d’expliquer :] c’est la potentialité de la Corse, théâtre d’un boom immobilier significatif, qui attise la cupidité de promoteurs aménageurs liés à des milieux politico-mafieux. »

La réponse ne se fait pas attendre. Christiane Andrieu Hummel, présidente de la Semexval porte l’affaire devant les tribunaux et attaque pour diffamation.

L’audience s’est déroulée le jeudi 15 février. Les avocats d’Anna-laura Cristofari ont plaidé sur l’absence de clarté des missions de la société d’aménagement : quels sont les buts d’une Sem du Var qui joue les aménageurs-promoteurs en Corse ?

Ils ont rappelé que, dans l’île, la situation est plus qu’opaque : c’est la « guerre » pour la captation des espaces naturels littoraux. Espaces que l’on déclasse afin de les rendre constructibles et de développer leur potentialité touristique. Ils ont soulevé l’absence d’engagement des représentants de l’État pour défendre l’application du droit. Ils ont exposé comment les associations du Collectif pour la loi Littoral sont obligées d’agir en tribunal administratif pour faire respecter les lois. Sur la forme, les avocats ont également plaidé la nullité des citations directes.

Reste la question de fond : la Semexval outrepasse son rôle, défini pour mettre en œuvre des projets décidés par les élus du Var, dans le Var. Elle se comporte en promoteur privé.

Le juge, semble l’avoir compris. Il a demandé au représentant de la Semexval si sa société comptait également construire en Suède… Quant au Procureur, il n’a pas requis.

Le délibéré est fixé au 7 mars.

  1. Devenue aujourd’hui  la SPLA Méditerranée, une société publique locale d’aménagement.
Mise à jour au 7/3/12

Le 7 mars 2012, le tribunal rendait un délibéré condamnant Anne Laure Cristofari à 1500 euros d’amende avec sursis. 500 euros de dommage et intérêt à verser à la Semexval, 500 euros à verser à Christiane Andrieu Hummel. À cette date A.L. Cristofari n’a pas communiqué sur un éventuel appel.