Le projet Universitaire reconnu illégal

Par deux fois, lors de deux audiences distinctes, le juge du tribunal administratif a donné raison à U Levante, reconnaissant que la loi Littoral n’a pas été respectée par l’université. Celle-ci, en effet, a choisi de construire son projet Stella Mare dans la bande des 100 m sur le cordon lagunaire de la Marana. Après plusieurs péripéties judiciaires, la requête de U Levante a été rejetée car déclarée trop tardive.

 

Tout le monde se rappelle les faits. L’Université de Corse s’est lancée dans le changement de destination d’un
bâtiment sur le cordon lagunaire de la Marana. Celui-ci, destiné à accueillir un projet intitulé Stella Mare, est érigé dans une zone inconstructible.
L’enjeu est de taille. Outre le fait qu’on peut attendre de notre université qu’elle donne l’exemple, les travaux ouvrent de facto et de manière irréversible, la voie à la constructibilité sur le cordon lagunaire aux portes de Bastia.
Aussi, en 2012, parce que le projet n’est pas conforme à la loi Littoral, U Levante demande l’annulation de l’arrêté du 10 août 2010 par lequel le préfet de la Haute-Corse ne s’oppose pas à la déclaration préalable de travaux déposée par l’université. Pour nos lecteurs les moins avertis, il est utile de rappeler que ce projet était alors ouvertement soutenu par Nicolas Sarkozy, président de la République.

L’histoire judiciaire. Deux audiences publiques ont eu lieu, le 24 mai et le 5 juillet 2012. Par deux fois, dans ses conclusions, la rapporteure publique Christine Castany affirme que les installations de Stella Mare sont en infraction avec la loi Littoral. D’une part parce que la finalité du projet Stella Mare (réaliser des études scientifiques) n’exige pas la proximité immédiate de la mer ; d’autre part, parce que la bâtisse existante (dont l’Université veut changer la destination dans une zone non urbanisée) est située dans la bande des 100 mètres. C’est plié : il y a bien atteinte à la loi Littoral.
L’audience se tient le 24 mai 2012. En toute logique, la requête de U Levante est recevable. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, le commissaire du gouvernement conclut à l’illégalité du projet donnant raison à l’association qui attend sereinement le délibéré.

Coup de théâtre. Quelques jours plus tard, l’info tombe, étonnante : une nouvelle audience doit avoir lieu le 5 juillet 2012, annulant la précédente.
Cette deuxième audience se fait devant un parterre de juges entièrement renouvelé (fait très exceptionnel !). Celui-ci, donne raison à U Levante mais refuse de recevoir sa requête au motif que l’association aurait déposé son recours trop tardivement (le délai de recours est de deux mois après l’affichage du permis de construire). Cette irrecevabilité est confirmée par le jugement du 19 juillet.
Que s’est-il passé ? Est-il possible que l’association U Levante ait laissé passé les délais légaux dans un dossier où l’enjeu dépasse les protagonistes ? Il engage en effet l’urbanisation d’une nouvelle partie du cordon lagunaire de la Marana. Dans un contexte où ce même cordon est soumis à des pressions importantes de montée du niveau de la mer.
La réalité est bonne à dire : toutes les semaines, un membre de l’association U Levante est allé vérifier si le permis était affiché. Celui-ci aurait été apposé à 57 m de la route au bout du chemin privé ouvrant sur Stella mare.
Contre la parole de notre militant, la partie adverse a fourni des témoignages attestant l’affichage : dix attestations de tiers, tous mitoyens de Stella Mare : le vendeur du terrain, mais aussi quatre membres de la famille Voillemier, bénéficiaires d’un permis de construire tacite(1) pour sept villas sur la parcelle limitrophe à Stella Mare.

Urbanisation programmée. U Levante n’a pas fait appel de cette décision. En effet, l’appel dure trois ans environ et n’est pas suspensif des travaux qui se poursuivront donc d’ici là.
Les visées spéculatives sur cette partie du cordon lagunaire ne datent pas d’hier. On observe par exemple que la boite de nuit a été transformée en supérette. Un commerce, une structure universitaire, des villas : ce savant cocktail ressemble à s’y méprendre à une « zone urbaine ». La nouvelle « zone urbaine » devrait permettre de rendre totalement constructible la bande des 100 mètres et les espaces encore vides (au prix du mètre carré constructible, les pieds dans l’eau, sur la Marana).

1. Un permis tacite est un permis qui n’a pas été accordé mais qui est estimé acquis par absence de réponse de l’administration.