Ségolène Royal (ministre de l’écologie) prône une dérogation à la loi Littoral pour Tallò !

Interview de Marie-Dominique Loÿe sur Alta Frequenza, le 24 août 2015

Le 20 août, la ministre de l’écologie est venue en Corse et s’est prononcée en faveur d’une modification de la loi Littoral afin qu’une usine de tri-mécano-biologique (TMB) puisse être construite à côté du centre d’enfouissement des ordures de Tallò, projet retoqué par le tribunal administratif. Marie-Dominique Loÿe, porte-parole du Collectif corse contre l’incinération et pour une saine gestion des déchets, dans une interview accordée le 24 août à Alta Frequenza, démontre l’absurdité de ce projet.

M.-D.L. – D’abord, je trouve bizarre que la ministre déclare en Corse le contraire de ce qu’elle déclare à Paris puisqu’à Paris elle est opposée au TMB ; au cours du débat sur la loi de transition énergétique, elle a très clairement dit qu’elle était opposée au TMB comme système de traitement des déchets. C’est un premier point. L’autre point c’est, je pense, qu’elle ne connaît pas exactement le dossier, parce que faire une usine de TMB près d’un centre d’enfouissement avec des ordures qui auront déjà bien mijoté et dans lesquelles il n’y aura pratiquement plus de choses valorisables à part les métaux, et fabriquer un compost de mauvaise qualité qui va finir à l’enfouissement, c’est complètement ridicule. Donc, sur le fond du dossier de Tallone 2, on sait bien qu’il faut un centre d’enfouissement ; simplement il faut ne plus y envoyer de matières organiques qui fermentent ni de substances dangereuses du genre piles ou choses comme ça.

Donc si on ne veut pas faire ça, il y a deux solutions :

– une solution industrielle et à ce moment-là du genre tri mécano-biologique qui n’a pas de bonnes performances et qui coûte très cher,

– ou la solution qui est maintenant de plus en plus adoptée, en particulier chez nos voisins italiens, c’est de faire du tri à la source le plus possible, en particulier trier les bio-déchets dès la source et faire des usines de compostage près des gros gisements, c’est-à-dire près des villes.

La ministre a tout faux et c’est dommage ; je pense qu’elle ne connaît pas bien le dossier et en plus, si je peux me permettre de rajouter quelque chose, le projet de Tallone 2 comporte une usine dont les performances sont mauvaises, mais aussi, ce qui n’est jamais dit, il est prévu d’enfouir toute la pointe estivale directement dans le centre d’enfouissement sans passer par l’usine ; ça veut dire qu’en ce qui concerne les nuisances, pour les riverains il n’y a aucun gain.

Donc c’est vraiment un projet mal ficelé ; à l’heure actuelle, justement, les riverains des décharges ont bien mis en avant que le tri à la source et s’occuper des bio-déchets en priorité était vraiment la solution.

Mais voilà, la ministre a écouté les sirènes locales qui l’ont envoyée sur des écueils.

Q. – Il est dit notamment qu’il valait mieux faire quelque chose que ne rien faire, dans l’attente éventuellement d’engagement citoyen. Qu’est-ce que ça vous fait dire tout ça ?

M.D.L. – Ce n’est pas tellement l’engagement citoyen qui manque, ce qu’il manque c’est l’engagement des élus. Si vous prenez l’exemple de Corte, ils ont installé en grande pompe un système de compostage automatique, ils ont les moyens de traiter au moins une partie des bio-déchets, dont ceux des restaurants qu’ils pourraient collecter de façon plus importante que ce qu’ils font, et faire la collecte sélective de bio-déchets des particuliers et là ils auraient les moyens déjà de diminuer considérablement le problème de leurs poubelles. Et bien non, ils ne le font pas. De toute façon, faire une unité de compostage ce n’est vraiment pas très compliqué, pas très onéreux et ça peut se faire relativement facilement. Donc, l’engagement citoyen c’est une chose mais si on fait les choses pratiques pour les citoyens, si les élus organisent les choses, je pense que ça peut aller très vite. Et c’est ce qui a été vu dans les endroits ou les responsables décident de faire de la collecte au porte à porte et en particulier dans les villes de mettre l’accent sur les bio-déchets ; et bien en six mois vous avez des performances incroyables ! Il faut donc que ce soit les élus qui organisent les choses pour que ce soit commode pour les citoyens et non pas l’inverse.

TMBSegolene