La dépossession de nos sites remarquables va-t-elle continuer ?

Les Zones naturelles d’intérêt écologique floristique et faunistique de type 1 (ZNIEFF 1) sont, selon la définition de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) “des secteurs de grand intérêt biologique ou écologique” : elles doivent être des espaces remarquables (ER).

 Une des “précisions de la loi Littoral” apportée par le Schéma d’aménagement de la Corse (SAC) de 1992 était d’importance : toutes les ZNIEFF de type 1 étaient des ER, inconstructibles donc. Le PADDUC ne doit pas être moins protecteur. L’exemple de Coti Chjavari. 

Cette « précision » du SAC de 1992, apportée alors par le directeur de l’environnement au nom de l’Etat, n’avait fait qu’appliquer « l’esprit de la loi Littoral». En effet, les Znieff de type 1 sont, selon la définition de l’INPN « des secteurs de grand intérêt biologique ou écologique” et, selon la loi de 1976 auquel l’article de la loi Littoral fait référence :”La protection des espaces naturels et des paysages, la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent sont d’intérêt général.

Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel dans lequel il vit. Les activités publiques ou privées d’aménagement, d’équipement et de production doivent se conformer aux mêmes exigences.

Selon le L. 146-6 de la loi Littoral, la liste des milieux que la loi protège comporte « les milieux abritant des concentrations naturelles d’espèces animales ou végétales telles que les herbes, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l’article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l’avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ».

Puisque les Znieff 1 sont  des « espaces délimités pour conserver les espèces », ils répondent donc bien à la définition de ces milieux à protéger.

Le Livre blanc des assises du littoral précise (avril 2013) « De même, il convient de protéger les lieux, qui sans être remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et sans générer directement d’aménités, contribuent à la richesse écologique, compte tenu de la présence de milieux ou d’espèces à fort intérêt écologique  et/ou participent au maintien de la fonctionnalité et des équilibres biologiques, et sont par conséquent, utiles et nécessaires pour les générations présentes et futures. » Les Znieff 1 étant sans contestation possible des aires qui « contribuent à la richesse écologique, compte tenu de la présence de milieux ou d’espèces à fort intérêt écologique » doivent être, si les écritures du Livre blanc ont un sens, des milieux protégés de l’urbanisation.

Les cartographies sont en cours de finalisation, pièces maîtresses du Schéma d’aménagement territorial (3ème phase du PADDUC). Le padduc sera -t-il moins protecteur que ne l’a été le Schéma d’aménagement de 1992 ? L’Etat fait-il en 2014 pression en faveur de moins de protection ? C’est la position bizarrement défendue par la directrice de la DREAL… qui pourtant est en charge de la protection de l’environnement ! Les échos très feutrés des cartographies en préparation ne vont pas dans le sens d’une prise en compte totale des Znieff de type 1 en tant qu’ER.

L’exemple de Coti Chjavari

S’il est un espace en danger en Corse aujourd’hui, c’est bien celui des propriétés de la Société du Sud et du Levant qui vont du pénitencier de Coti Chjavari à la mer (plage de Verghja).

du penitencier a la mer aerienne

Or cet espace est intégralement une ZNIEFF de type 1, inconstructible donc en application du SAC de 1992… et les associations veillent.

Cartographie de la ZNIEFF 1 – Source INPN/MNHN

 IPN znieff 1

Pour pouvoir lever ce verrou d’inconstructibilité, une seule solution jusqu’à présent : profiter de ce que l’Etat/DREAL appelle  la « modernisation » des ZNIEFF pour modifier cette ZNIEFF 1 et supprimer la protection.

Pour la commune, sitôt compris sitôt fait. Elle proposait au CSRPN une réduction de la ZNIEFF (terrains SCI + terrains CTC + terrains d’un particulier pour une superficie totale de 250 hectares, excusez du peu !) contre une extension vers le sud (qui ne mangeait pas de pain puisque c’était une proposition d’Espaces Boisés Classés de la carte communale).

Pas de chance ! Le CSRPN accepte l’ajout mais demande avant toute décision une expertise de la partie ouest !

carte biotope Coti Chjavari premier échange

 La commune n’abandonne pas pour autant !

En décembre 2013, elle présente au CSRPN une nouvelle étude réalisée par le cabinet. Et là patatras pour la commune, l’expertise, pourtant assez sommaire, met en évidence l’intérêt écologique de cette zone : « le secteur ouest apparaît donc très riche en espèces déterminantes quel que soit le groupe étudié, et ce de par la diversité des habitats qui y sont présents. » Une majorité du Conseil la maintient en ZNIEFF de type 1.

Impossible donc de modifier en la réduisant cette aire protégée.

Il ne reste plus qu’une seule solution pour rendre ces terrains urbanisables : le PADDUC en préparation ne doit pas affirmer que les ZNIEFF de type 1 sont obligatoirement des ER. Si l’ER en préparation de la forêt de Coti Chjavari n’englobe pas la totalité de la ZNIEFF et laisse toujours cette magnifique et écologiquement riche bande de terre hors de l’ER, alors « les Corses d’en bas » pourront se dire que tout leur patrimoine est voué à la spéculation immobilière et aux résidences secondaires et que la raison du plus fort, du plus riche et du plus influent est toujours la meilleure… comme ce fut déjà le cas lors de la création du pénitentier du Chjavari au 19ème siècle: les Corses y furent chassés de leurs terres sans ménagement par l’administration (voir encart). La non prise en compte des Znieff 1 en tant qu’ER favorisera aussi grandement l’urbanisation d’Arone ou celle de La Testa, par exemple …

Premier encart  :

En 2009, la cartographie du feu PADDUC proposait (en rouge sur la carte ci-dessous) le déclassement d’une grande partie de l’espace remarquable (en bleu), en particulier du sud de la plage de Verghja jusqu’au pénitencier, et le projet de carte communale reprenait cette cartographie. Le CLL dénonçait ces déclassements. Le projet de PADDUC fut abandonné.

coti bleurouge compa

Deuxième encart :

Actuellement les sociétés présidées par Antoine Lantieri à Coti Chiavari sont au nombre de trois : Du Sud et du Levant, Plein Soleil et Liberta. Les terrains ont été achetés, début 2007, à Nexity, gros promoteur immobilier qui avait hérité des actifs immobiliers de feu la Compagnie générale des eaux. Les trois sociétés, par actions simplifiées, ont été constituées pour porter cette acquisition. Toutes trois sont présidées par le Bonifacien Antoine Lantieri. Jusqu’en août 2008, un banquier suisse en était administrateur (il aurait été, depuis, remplacé par la SCI Baobab, domiciliée au Mali).

La plus importante superficie se trouve au nord de la commune de Coti. Les terrains s’étendent des bâtiments de l’ancien pénitencier jusqu’à la mer (plage de Verghja) : photographie ci-dessous. Ils sont pour l’instant inconstructibles en raison de la loi Littoral et parce que situés au sein d’une grande ZNIEFF de type 1 dite forêt de Coti Chiavari. Le premier verrou à « faire sauter » est donc l’existence d’une protection forte : la ZNIEFF de type 1.

Troisième encart

pénitencier depossession image