Le padduc ne nous sauvera ni de la spéculation, ni du tout-tourisme, pas plus que de la peste ou du choléra

Le diable est dans les détails …

Quel est le bilan environnemental du padduc après étude des amendements ? Les amendements ne pouvant s’inscrire que dans le cadre des recommandations des commissaires enquêteurs, suite à l’enquête publique, sauf à soumettre le document à nouvelle enquête publique, leurs portées s’en trouvent de fait limitées à ce cadre précis.

Voici le positionnement des associations U Levante, ABCDE, U Polpu et Garde en rappelant qu’elles s’expriment sur des points techniques, expriment des manques, des inquiétudes, mais n’ont pas de responsabilités politiques. Le problème du trait et le devenir des espaces agricoles restent les points  les plus inquiétants.

Les espaces remarquables de la loi Littoral (ERC)

La cartographie de 2004 (Atlas des ERC) a été très largement reprise et c’est une très bonne chose. Mais la non-reprise de l’inconstructibilité des znieff de type 1 est une régression environnementale importante. La non-intégration du secteur de Balistra en tant qu’ERC est incompréhensible puisque la Commission d’enquête l’avait demandée. L’Assemblée s’est engagée oralement, en commission, à inclure dans les ERC, au cours de la révision du padduc dans un an, les sites de Balistra et de Pozzu Niellu qui bénéficient d’un jugement et les parties naturelles des sites inscrits (par exemple celles situées sur la rive sud du golfe d’Aiacciu) qui n’ont pas été prises en compte. Mais pourquoi l’Exécutif a-t-il refusé, tout au long de ces dernières années de le faire ? Quelles intentions cette attitude dissimule-t-elle ? Quelle assurance avons-nous que cette promesse sera tenue dans un an par la nouvelle majorité qui sortira des urnes lors des prochaines élections territoriales ? Par ailleurs, une révision n’implique pas forcément un rajout mais peut induire également des suppressions.

Les fonds de cartes

Réduits d’abord à la limite des communes et aux taches urbaines (!), ils ont été, sur notre insistance, très légèrement complétés. Ils restent déficients.

Le trait de limite des Espaces remarquables et caractéristiques (ERC)

C’est un point très négatif. L’exécutif n’a pas arrêté de dire que l’épaisseur de ce trait n’était pas négociable. Pour quels motifs ? L’application du principe de subsidiarité ? Il ne tient pas. Un trait beaucoup plus fin répondait à ce besoin. Ce trait , représentant 100 m sur le terrain, est un véritable enjeu car, selon sa localisation, il permet des constructions dans des zones très sensibles, et ce à la seule  discrétion des maires. 

Les auberges des pêcheurs

L’Exécutif a lui-même amendé son texte. L’amendement constitue un mieux… mais la rédaction est ambiguë et n’est pas de nature à répondre aux réserves que nous avions exprimées. Contrairement à ce qui est affirmé, la licence de pêche corse (le quota est de 218) est « cessible », y compris à des pêcheurs extérieurs à la Corse. Le permis de mise en exploitation attaché au navire est « transféré » à l’acquéreur ainsi que la licence de pêche. De fait, les navires sont vendus avec le permis et la licence.

– Les précisions telles que : « le pêcheur doit tirer la majeure partie de ses revenus de son activité de pêche, les produits vendus proviennent uniquement de la pêche locale, la main-d’œuvre est exclusivement familiale » ne sont que des vœux pieux dans la mesure où il sera très difficile d’exercer des contrôles.

– Il ne ressort pas nettement de l’amendement que l’exploitation de l’auberge du pêcheur ne pourra s’exercer que dans le cadre du dispositif pescatourisme uniquement.

– La proposition d’accompagner la diversification de la pêche en permettant « aux pêcheurs de disposer de points de dégustation à proximité immédiate de la mer, sur le DPM naturel (…) ou artificiel » et « au-delà (… ) d’un réseau d’auberges du pêcheur, hors de la bande des 100 m, en s’adossant aux habitations des patrons pêcheurs ou à un réseau de restauration » crée de la confusion en mêlant des concepts et des réalités de nature différente : « points de dégustation / auberges du pêcheur / habitations du patron pêcheur / réseau de restauration » d’une part , « DPM naturel / DPM artificiel / hors la bande des 100 m » d’autre part. Si l’on peut adhérer à l’idée d’auberge du pêcheur s’implantant dans des secteurs encadrés par les règles d’urbanisme existantes, déroger à la règle générale ne pourra que générer des dérives.

La trame verte et bleue

Dépourvus de contraintes, les réservoirs de biodiversité (essentiellement les znieff) ne sont pas protégés en tant que tels. Le seul amendement bien écrit et efficace concerne la liste des zones humides de moins de 1 hectare qui, absente de la TVB, doit être ajoutée. Mais cette décision n’a pu être obtenue qu’en octobre alors qu’elle est demandée depuis plus d’un an. 18 mois pendant lesquels l’Exécutif a refusé d’intégrer cette liste. Pourquoi ?

Les espaces stratégiques agricoles

Les ESA des zonages U, AU, NA des communes munies d’un plan d’urbanisme semblent être restés constructibles : c’est le grand point noir du Padduc. (voir encart spécial ci-dessous)

Les 105 000 ha sont annoncés comme une surface considérable. Mais elle ne correspond même pas aux 168 000 ha déclarés par des agriculteurs (surfaces agricoles utilisées (= SAU) de maraîchages ou autres cultures non compris les parcours). http://www.odarc.fr/catalog_repository/uploads/18/Agriculture_Chiffres_Cles_2013_Edition_2015.pdf – page 3 le territoire et page 5 les exploitations.

Le dispositif réglementaire lié aux ESA est extrêmement confus. Certains paragraphes d’amendements proposés et clairement énoncés ont été supprimés in fine*. Pourquoi le terme de compensation a-t-il été maintenu ? L’interprétation que faisait le tribunal administratif du Schéma d’aménagement de la Corse de 1992 était claire : en sera-t-il de même du padduc ?

Les taches urbaines

Sur toutes les cartes sans lieux, sans cours d’eau, sans voies de circulation, des taches urbaines, elles, sont dessinées à partir de trois constructions (même illégales) : elles prêtent grandement à confusion et certaines mairies avaient annoncé qu’elles serviraient de support aux futures urbanisations. Les textes ont précisé en octobre qu’elles étaient sans aucune valeur juridique et ne pouvaient pas être assimilées à des espaces urbanisés.

Les golfs

L’amendement est non contraignant:  Dans le cadre d’une procédure de vérification de cohérence, elle (l’Assemblée) émettra son avis en légalité et en opportunité en fonction de contraintes techniques, géographiques, environnementales, économiques et financières. Cet avis fera l’objet d’une délibération de l’Assemblée de Corse”.

Grâce au travail associatif, à la mise sur la place publique des problèmes environnementaux, aux analyses minutieuses des cartes, à la lecture attentive par nos juristes des textes des versions successives du livret réglementaire, quelques améliorations ont pu être obtenues au fil du temps. Parce que ces actions associatives incessantes ont été indispensables, on peut douter des réelles intentions de l’Exécutif en place par rapport aux objectifs affichés …

Les concerts de louanges (sans aucun bémol) envers le padduc, entendus ici ou là, sont-ils réalistes ? Le padduc serait-il la panacée qui nous sauvera de la spéculation immobilière et du tout-tourisme ? Attention, rien n’est acquis ! On peut d’autant plus craindre une mise en œuvre défaillante du Padduc que les dispositifs réglementaires qu’il crée ne sont pas clairement rédigés, que ce document est de lecture ardue, et qu’il est même, trop souvent, incompréhensible pour les non spécialistes.

Tout l’enjeu est de savoir comment l’État, dans les communes sans document d’urbanisme, et comment les maires, lors de l’élaboration de leur PLU, déclineront ce Padduc. Quelle sera le rôle joué par l’”accompagnateur” Agence de l’urbanisme ?

Il semble d’ores et déjà certain que le padduc ne fera pas diminuer ni le nombre de contentieux, ni la charge du contrôle de légalité, ni le “travail” des associations et et que leur vigilance s’avérera plus nécessaire encore : les “trocs” agricoles encouragés par l’affirmation de la “compensation” nécessiteront que les PLU soient “épluchés” par des analyses citoyennes car tendre vers l’autonomie alimentaire est une impérieuse nécessité.

A partir de maintenant, une vigilance de tous les instants sera-t-elle opérée par les responsables politiques qui ont voté et ceux qui, demain, accéderont au pouvoir ? Les associations tenteront quant à elles d’assumer leurs “responsabilités” associatives….

ENCART / LES ESPACES STRATÉGIQUES AGRICOLES

Analyse (en rouge ci-dessous) des trois amendements principaux (en italique ci-dessous).

Amendement n° 8

AJOUTER LE PASSAGE SUIVANT à présenter en encadré p 49 :

« Comme l’indique la Loi n° 2011-1749 du 5 décembre 2011 sur le Padduc – Article L4424-11 modifié, à propos des espaces stratégiques, et donc des Espaces Stratégiques Agricoles : En l’absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d’urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d’autorisation prévues au Code de l’Urbanisme ».

Dans les communes sans documents d’urbanisme et donc soumises au RNU, le principe de conformité s’applique : les permis de construire dans les ESA ne sont pas accordés. Une interrogation subsiste pour les demandes émanant des communes.

Ce qu’il manque au dispositif finalement adopté, ce sont des règles spécifiques pour les PLU déjà existants. C’est incontestablement LA faiblesse du texte final : il y aura une course à l’urbanisation des ESA situés en zones U et AU jusqu’à la mise en compatibilité des documents d’urbanisme.

Amendement n° 7

Lorsque les documents locaux d’urbanisme localisent (SCOT) ou délimitent (PLU, carte communale) les ESA, en mettant en œuvre les dispositions ci-dessus énoncées, soustrayant ainsi à des fins non agricoles les ESA tels que localisés dans la carte n° 9, ils doivent pour autant impérativement respecter l’objectif global de préservation d’au moins 105 000 ha d’ESA, et sa déclinaison commune par commune telle que précisée dans le livret III.

Pour respecter cet objectif quantitatif, ils doivent identifier les terres répondant aux critères qualitatifs caractérisant les ESA et, à ce titre, les classer en zone à vocation agricole stricte.

Pour les communes possédant un document d’urbanisme, des ESA pourront être rendus urbanisables dans les conditions et limites prévues au chapitre concerné du volet réglementaire, sous réserve de respecter le mécanisme de « compensation » ferme mis en place par cet amendement 7.

Si un PLU / SCOT / Carte communale classe des ESA cartographiés en secteur constructible, il doit identifier d’autres ESA de même superficie, non cartographiés, présentant les mêmes caractéristiques (caractère mécanisable, potentiel agropastoral, etc.) et les classer en zone A (ou non constructible d’une CC) .

A la condition que les communes ne puissent procéder au remplacement des terres agricoles consommées, ce dispositif semble être de nature à en garantir l’inconstructibilité.

Amendement n° 11

Du fait que ces dispositions sont rattachées à l’habilitation générale du PADDUC (article L.4424-9 du CGCT) et non à l’habilitation « espaces stratégiques » (article L.4424-11-II du CGCT), malgré le fait que ces secteurs présentent des enjeux dont la prise en compte présente un caractère qui peut être qualifié littéralement de stratégique, la définition de ces espaces ne porte pas d’effet en ce qui concerne la vocation des terres. La représentation graphique des SER ne s’accompagne d’aucune disposition particulière relative à l’occupation du sol. Par conséquent, le fait qu’un espace soit représenté à l’intérieur d’un SER n’affecte nullement la portée indicative ou prescriptive des autres éléments cartographiques du PADDUC. Notamment, lorsqu’un espace stratégique (à vocation agricole ou environnementale) est inclus au sein d’un SER, l’ensemble des dispositions relatives aux espaces stratégiques s’y appliquent exactement de la même manière que s’il était situé à l’extérieur des SER.

Le statut des ESA est le même qu’ils se situent à l’intérieur ou à l’extérieur des SER.

*Les amendements relatifs aux ESA :

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