PLU arrêté de Carghjese : analyses défavorables

Le foncier disponible ouvert à l’urbanisation permettrait d’accueillir 3 000 habitants … aux dépens de très bonnes terres agricoles.

La CTPENAF (Commission Territoriale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers) de décembre 2016 a souligné les graves insuffisances du projet de PLU de Carghjese, petite ville du littoral nord-occidental de la Corse, PLU arrêté le 26 août 2016.  

Parallèlement, dans son rapport*, la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale (MRAe) dresse une très longue liste de griefs allant de l’eau potable à l’assainissement en passant par l’opération d’aménagement programmée du port, la surconsommation des espaces agricoles ou la surconsommation de l’espace…

Voici quelques-uns des arguments développés par les représentants d’U Levante à la CTPENAF.

1 – ADÉQUATION POPULATION/LOGEMENTS/FONCIER DISPONIBLE

Forte de 1 282 habitants en 2013 (source INSEE), la commune prévoit une population permanente de 1 600 habitants à horizon 2030L’évolution de la population constatée entre 1990 (915 hab.) et 2011 (1 212 hab.) donne un taux annuel moyen pondéré (TAMP) 1990/2011 >1,35 %/an.

L’évolution de la population prévue entre 2011 (1 212 hab.) et 2030 (1 600 hab.) donne un taux annuel moyen pondéré 2012/2030> 1,5 %/an.

Le taux envisagé par la commune paraît donc raisonnable jusqu’en 2030.

De même la prévision des 743 résidences principales prévues en 2030 est en cohérence avec la population permanente prévue de 1 600 habitants, soit 2,15 habitants par logement. La commune a donc à loger 300 nouveaux résidents permanents d’ici à 2030 (1 600 – 1 300).

Quelle quantité de foncier faut-il mobiliser pour loger 300 personnes (ou 150 logements) à l’horizon 2030 ?

L’affichage de la commune est « contradictoire ». Retenons qu’elle affirme avoir besoin de 50 hectares de foncier. Le ratio retenu par la DDTM 2B est 30 logements à l’hectare. Si l’on retient le ratio de la DDTM 2B de 30 logements à l’hectare,  la surface foncière nécessaire devrait donc être égale à seulement 5 hectares (150 : 30 = 5). Or, d’après nos estimations, le  foncier résiduel disponible dans les zones U et AU déjà urbanisées est de 64 ha.

Exemple : zone UC de MENASINA

Exemple : vallée du Peru

Le foncier disponible (53 ha) est donc beaucoup trop important puisque pour loger les 300 habitants permanents supplémentaires prévus il suffirait de 5 ha.

Ce foncier disponible, en application du ratio retenu par la DDTM 2B, permettrait d’accueillir 3 000 habitants !

MRAe : « Au regard des secteurs précités, il conviendrait plus rationnellement de revoir l’extension qui y est prévue, car elle ne peut être justifiée au regard de la loi Littoral. » … « Sur le PLU arrêté, et comme exprimé plus haut (cf. §2.2), le projet ne respecte pas le principe de gestion économe de l’espace. A titre d’exemple, l’extension projetée de part et d’autre de l’Esigna (zones AUC, UC et UD), sans justifications conjoncturelles ou démographiques et en faisant abstraction de l’absence de conformité avec la loi Littorale, apparaît totalement démesurée au regard de l’occupation des sols actuelle. »

2 – Le PADDUC ET LES ESPACES STRATÉGIQUES AGRICOLES DE CARGHJESE

Le PADDUC a défini 1 050 ha d’ESA sur la commune et les zones As (« Agricole Stratégique ») du PLU de Carghjese doivent respecter les conditions d’éligibilité des terres régissant les ESA comme la qualité agronomique, la cultivabilité, la mécanisation des terres entre autres.

La commune, qui a la possibilité de définir ses propres ESA, présente 1 220 ha de zones As assorties de 900 ha de zones A (agricoles sans caractère d’ESA). Elle affirme que « le PLU classe majoritairement les ESA en zone agricole et naturelle mais quelques portions sont classées en zone urbaine ou à urbaniser » mais seule une demi-page du rapport de présentation (p. 98) est consacrée aux ESA et à leur transcription en zones As dans le PLU tandis que les documents du PLU s’accompagnent d’un diagnostic agricole réalisé par la Chambre d’Agriculture en mai 2015, antérieur à l’adoption du PADDUC et qui ne parle ni d’ESA ni de PADDUC.

La transcription des ESA dans le PLU de Carghjese n’a pas été réalisée conformément aux préconisations du PADDUC et aux méthodes de travail conseillées par l’AAUC (Agence d’aménagement durable d’urbanisme et d’énergie de la Corse).

Sur les 300 ha de terres hors ESA, incluses dans les zones As et donc désignées comme terres similaires aux ESA, seuls 8 ha possèdent des caractéristiques agronomiques avec une pente inférieure à 15 % répondant aux critères des ESA du PADDUC. Les 292 ha définis comme zones As par la commune ne sont pas des terres agricoles à bon potentiel.

Calculs réalisés depuis les espaces du Zonage agrosylvopastoral de la Corse, Sodeteg, 1980/1981 :

 MRAe : « En revanche, une insuffisance notable est à relever et porte sur les espaces stratégiques agricoles (ESA) ainsi que les espaces ressources pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnelle (ERPAT). En effet, le rapport de présentation s’attache à ne démontrer qu’une compatibilité quantitative et jamais qualitative. Or, dans le rapport de compatibilité avec le PADDUC, il appartient à la commune de respecter ces deux équilibres. »

« La MRAe recommande de reprendre la démonstration de la compatibilité du PLU avec le PADDUC et de modifier, le cas échéant, le zonage pour les enjeux agricoles. »

« Il conviendra par ailleurs de s’assurer que les surfaces classées en As dans le projet de PLU sont bien conformes aux critères définis par le PADDUC en matière de potentialités et de pentes. »

Pour atteindre le compte obligatoire des 1 050 ha d’ESA, un système très contestable de compensation a donc été présenté par la commune au détriment des vrais espaces stratégiques agricoles.

Superposition de la carte n° 9 du PADDUC, des zonages constructibles et des zonages As et A du PLU

3 – ET LES RÉSIDENCES SECONDAIRES ?

 Les 50 hectares ouverts à l’urbanisation ne peuvent être destinés qu’à des résidences secondaires : 630 sont envisagées à l’horizon 2030 !

L’ouverture à l’urbanisation, dédiée majoritairement au résidentiel secondaire, s’effectue au détriment d’espaces stratégiques agricoles.

Exemples : Sur les documents ci-dessous, à gauche, en vert le foncier non bâti des zones ouvertes à l’urbanisations , à droite des extraits de la carte n°9 du Padduc (en jaune les ESA, en bleu la limite des espaces remarquables, en rouge le report des surfaces urbanisées et à urbaniser, en vert les zonages As).

Conclusion : Carghjese est un exemple de ce qu’un PLU ne doit pas être.

*L’avis de la MRAE 

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