Quelques vérités sur les déchets ménagers et l’usine de TMB en projet

Chacun produit des déchets et les confie, triés ou non, à une commune qui a l’obligation de les ramasser. Que deviennent-ils ?

Peu de gens le savent et beaucoup ne réagissent qu’à la réception de la facture à payer. La gestion de leur poubelle leur échappe. Elle est en fait très convoitée, car très rentable pour les intermédiaires et industriels qui prospèrent grâce à cette activité économique particulièrement opaque.

Collecte et traitement

Le Syvadec (Syndicat de valorisation des déchets en Corse) en charge du traitement, regroupe des collectivités. Il gère les contrats de prestataires pour le transport, le tri et l’enfouissement, d’autant plus lucratifs qu’il s’agit de déchets bruts, car tout est facturé au poids. Certaines collectivités, hors du Syvadec, gèrent directement.

Faute de tri les décharges sont arrivées à saturation en Corse, notamment en juin dernier celle de Tallone, prévue initialement pour fonctionner jusqu’en 2020. Et les coûts ne cessent d’augmenter. La Chambre régionale des Comptes a d’ailleurs rendu un rapport (1) en novembre 2014 pointant les dysfonctionnements du Syvadec.

L’usine de tri mécano biologique (TMB) prévue dans le projet de Tallone 2 est censée résoudre le problème, en (mal) triant des déchets bruts et produisant du compost et des matières recyclables. En été le surplus serait enfoui directement.

En réalité, elle permettrait de prolonger le système : même coûts de transport et enfouissement de 95 % du flux entrant, car le compost produit par ce type d’usine ne serait pas commercialisable, donc enfoui ; seuls les métaux seraient récupérables. Les principaux acteurs du système n’ont pas intérêt à ce que ça change : tri minimum, mais transport et enfouissement maximums.

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Enfouissement à Tallò en 2011

Tarification

lle peut avoir deux formes : soit elle est indexée sur le foncier et payée avec la taxe foncière, soit c’est une redevance forfaitaire. Ce système ne tient pas compte de la quantité de déchets produits par les usagers. Il est complètement injuste et n’incite  pas à la réduction, ni au tri. Comme on paye l’eau ou l’électricité en fonction de sa consommation, il est logique et juste de payer selon ses déchets.

Allons nous continuer ainsi ?

Malgré les discours et les plans (agences de l’Etat, de la CTC, Syvadec) préconisant la prévention, la réduction, le tri, le recyclage, le compostage, la limitation des transports, et même la collecte au porte à porte des déchets compostables et recyclables, on ne voit pas encore de volonté pour mettre rapidement les discours en pratique. Les collectivités, communes, communautés de communes semblent désemparées.

Solution : une autre gestion est possible !

Elle fonctionne dans de nombreux territoires en France, en Europe et ailleurs : c’est la stratégie, Zéro Déchet, Zéro Gaspillage, A Strateggia Zeru Frazu.

En agissant sur la réduction et le tri en amont, en collectant au porte à porte les différents types de déchets séparément, en particulier les déchets humides, on parvient à réduire les déchets résiduels à moins de 20 %, et par là même les nuisances de l’enfouissement, comme en Alsace ou en Toscane par exemple. La facturation (redevance incitative) tient compte de la qualité du geste de tri et l’encourage selon plusieurs systèmes possibles. Des formations sont proposées aux collectivités pour les aider dans la mise en place.

Après la fermeture de Tallone, les autres sites (Prunelli, Viggianellu) ont heureusement accepté par solidarité de recevoir les déchets pendant l’été. C’est sous la pression des riverains qu’un protocole a été élaboré afin d’obtenir l’engagement des apporteurs de déchets à les réduire et à augmenter le tri en amont, avec un traitement séparé des déchets fermentescibles. En effet les biodéchets représentent 30 % des poubelles et sont la cause principale des problèmes. Mais le protocole soutient le projet d’usine de TMB de Tallone 2.

Il y a une contradiction totale à organiser un tri efficace en amont et à construire une coûteuse usine de TMB, qui devrait être alimentée avec des déchets non triés, condition indispensable à sa rentabilité.

Comment peut on vouloir construire une telle usine alors même qu’elle est en contradiction avec deux lois ? (la loi littoral et la nouvelle loi de transition énergétique, publiée le 18 août 2015 au Journal Officiel). Par ailleurs l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) a rendu un avis négatif sur le projet, en raison des productions agro-alimentaires existant sur la commune.

Soutenir une usine de TMB à Tallone serait renvoyer aux « calendes grecques » une VERITABLE POLITIQUE DE REDUCTION, DE TRI EN AMONT, DE COMPOSTAGE ET RECYCLAGE, seule perspective à envisager en 2015 pour la gestion intelligente et durable de nos déchets.

Il en serait de même pour une usine d’incinération brûlant tout en mélange, avec des coûts maximum, des dysfonctionnements imparables, un tiers d’imbrûlés à enfouir et de graves impacts sanitaires et environnementaux pour des décennies.

L’urgence de la situation en Corse va-telle enfin pousser nos décideurs à s’engager dans la seule organisation actuellement reconnue pour son efficacité, ses bénéfices environnementaux et sa maîtrise des coûts ? Ou bien vont-ils continuer à favoriser quelques uns au détriment de la majorité?

(1) https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Syndicat-Mixte-pour-la-Valorisation-des-Dechets-de-Corse-SYVADEC

Zeru Frazu zeru.frazu@gmail.com 14.09.2015

Associations membres di A Strattegia Zeru Frazu : ABCDE, Aria Linda, AFC Umani : Associu pè una Fundazione di Corsica, Associu per l’Arena, A Veghja, Bouge ta Corse, Collectif corse contre l’incinération et Pour une saine gestion des déchets, I Sbulecca Mare, L’Acellu di l’Isula, Le Garde, U Levante, UnaLenza da Annacqua, U Polpu

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