Dans le but de favoriser l’habitat permanent, la nouvelle loi Le Meur (Loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024) permet aux plans locaux d’urbanisme des communes situées en zone tendue de délimiter des secteurs où les constructions nouvelles de logements sont soumises à une obligation d’usage au titre de résidence principale (art. L. 151-14-1 du code de l’urbanisme).
Certaines communes, dont en Corse celle de Bonifacio, ont annoncé vouloir faire usage de cette nouvelle faculté, ce qui est une sage décision… surtout quand le taux communal des résidences secondaires est déjà très élevé, qu’il perturbe l’équilibre de vie des résidents permanents et rend difficile leur accès au logement.
Hélas, dans certaines communes, il bien tard. Et c’est notamment le cas de la commune de Bonifacio qui a favorisé la multiplication de lotissements illégaux, de surcroît constitués de villas luxueuses, sur ses côtes est (Cala Longa) et sud-est, les plus connus étant ceux de Piantarella, Sperone, Ciappili sans oublier plus au nord ceux de Sant’Amanza ou Rundinara. Lieux merveilleux hélas irrémédiablement altérés par une urbanisation non contrôlée.
Bien évidemment, la commune de Bonifacio n’est pas la seule ! Les communes de la rive sud du golfe d’Ajaccio se distinguent aussi : de 2010 à 2021 le nombre de résidences secondaires a explosé et est passé :
- de 596 à 867 (70,9 %) à Coti Chjavari,
- de 798 à 1 152 (59,2 %) à Pietrosella,
- de 2 048 à 2 658 (61,7 %) à Grosseto Prugna,
entraînant une suractivité du BTP et, a contrario, une perte d’activités des professionnels de l’hôtellerie…
Une évolution semble visible sur la commune de Pietrosella :
- dont le littoral a été « massacré » par de nombreux lotissements illégaux,
- où des actions en justice, plus nombreuses depuis peu, ont empêché de nombreuses et importantes nouvelles opérations immobilières.
Qu’on en juge en se basant sur des permis connus d’U Levante sur la seule section cadastrale AD sise entièrement dans les Espaces Proches du Rivage (EPR) et à l’intérieur de laquelle des Espaces Sratégiques Agricoles (ESA) du PADDUC sont délimités.
Image Google Earth, évolution entre 2007 et 2025 : l’urbanisation galopante
Image Géoportail – Localisation des permis cités en turquoise – Permis en ESA entourés de jaune :
Carte n°9 du PADDUC superposée à image Géoportail et image cadastre.gouv.fr :
Quelques exemples de recours victorieux contre des projets autorisés dans ces secteurs :
Parcelle AD 490 sur des ESA, (16 200 m2) : les projets Collin / FAMCO (action d’un Collectif de riverains et de U Levante).
Premier permis de construire délivré par le Maire à M. Collin pour 120 logements en immeubles, projet retiré par le promoteur.
Deuxième permis de construire délivré le 23/12/2019 à M. Collin pour six immeubles (60 logements) définitivement annulé par le Conseil d’État (pourvoi rejeté le 25 mars 2025).
Troisième permis de construire délivré le 4/10/2021 à la SAS FAMCO (promoteur M. Collin) pour 11 maisons et piscines, annulé par le TA le 7/12/2023 (n°2200361). Le Conseil d’État ayant annulé le jugement faute d’avoir pris en compte un arrêt de la cour d’appel administrative de Marseille ayant remis en cause le classement de la parcelle en ESA, l’affaire sera prochainement rejugée par le TA.
Parcelle AD153 : projet de M. X (action du Préfet et de U Levante). Permis délivré le 16 novembre 2022 et 16 janvier 2023 pour une villa, retiré le 29 mars 2023.
Parcelles AD 8, 14, 342 : projet de M. X (action du Préfet). Division en cinq lots en vue de bâtir autorisée par le Maire le 11 septembre 2023, suspendue par le TA le 17 janvier 2024.
Parcelle AD 472 : projet SCI Vannina (action du Préfet). Permis de construire délivré le 5 octobre 2023 pour deux bâtiments à usage de commerce et deux logements de gardiens, permis suspendu par le TA le 5/03/2024.
Parcelle AD 121 (3 000 m2) sur des ESA : projet M. X (action d’un collectif de citoyens + U Levante). Permis de construire délivré par le maire le 19 décembre 2023 pour 3 villas, annulé par le TA.
Parcelle AD 356 : projet de M. X pour une villa de 397 m2 de plancher (action d’un collectif de citoyens + U Levante). Permis de construire tacite du 21 janvier 2025. Permis retiré par le maire à la suite d’une requête.
Ainsi, l’action conjuguée du Préfet, dans le cadre du contrôle de légalité, des associations de défense de l’environnement et de simples citoyens permet efficacement de faire obstacle à la bétonisation anarchique de nos côtes. Nous en appelons à la responsabilité des maires pour qu’ils cessent de délivrer des autorisations d’urbanisme contraires aux lois et règlements applicables et qu’ils choisissent, comme le maire de Bonifacio, de faire usage de la possibilité nouvelle de réserver la construction de logements nouveaux aux résidents permanents.
Choisir d’appliquer la nouvelle loi Le Meur serait une option très intéressante, indicatrice d’une volonté politique des communes du littoral de stopper la dangereuse prolifération des villas secondaires littorales et de garantir l’inconstructibilité des ESA.