Une révision partielle du PLU de Calinzana, « ficelée » pour un projet de domaine oenotouristique
Quelle fut notre surprise de découvrir un nouveau projet de domaine : le Domaine Prince Pierre-Napoléon Bonaparte sur la côte occidentale de la commune de Calinzana, à environ 1,5 km de la baie de Crovani. Le projet est porté par les frères Jean-Vincent et Jean-Raphaël Racine-Grisoli.
Photographie issue du rapport de présentation pour la CTPENAF*
Monsieur le Maire de Calinzana a préparé un dossier spécialement ficelé pour ce projet sous forme d’une révision allégée n°3 du Plan local d’urbanisme (PLU) de la commune. Et hop !, on repousse la limite des EPR (Espaces proches du rivage), et hop !, on rend constructibles les ESA (Espaces stratégiques agricoles) et les ERPAT (Espaces, ressources pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnelle), et hop !, on oublie la loi Littoral et le PADDUC.

Sur 160 hectares sont prévus une « hôtellerie tournée vers la découverte oenotouristique du terroir » avec la réhabilitation du château qui est en ruines, de petits pagliaghji (« paillers » transformés en mini-villas), de nouvelles constructions avec piscines, sur environ 5 hectares, de nouvelles plantations (vignes, oliviers, safran), sans oublier l’élevage ovin et l’apiculture.
Le dossier de révision du PLU est passé en CTPENAF[1] le 25 novembre 2024 puis en enquête publique du 25 mars au vendredi 25 avril 2025. Mais les premières constructions apparaissent sur les images satellites Google Earth du domaine dès 2020…
Images Google Earth de 2017, 2020 et 2023 de la zone des ruines du chateau :

Les avis rendus par la CTPENAF, la CdC et les services de l’État sur la révision du PLU, adaptée au projet du domaine, ont été défavorables car ce type de projet est totalement illégal au regard des principes d’urbanisation posés par le code de l’urbanisme et le PADDUC.
Quid des constructions déjà réalisées ?
Les porteurs du projet hôtelier :
Au-delà de l’aspect réglementaire, quel est le profil et quels sont les moyens utilisés par les porteurs de ce projet de domaine ?
1 – Le profil
Les deux frères résidant entre Calvi, Marseille et la Belgique, tirent leurs principaux revenus de deux sociétés, Zoinzibar et Prado Gourmand, dont les sièges sociaux sont à Marseille.
En 2017, ils rachètent le château et les terres alentours, expulsant le berger caprin Jean-Christophe Savelli des 87 hectares qu’il exploitait depuis quinze ans. Une chèvre du troupeau s’échappe dans la vigne Racine-Grisoli. Le ton monte, le fusil est sorti… Le tribunal correctionnel de Bastia a condamné, le 17 décembre 2019, les deux frères Racine-Grisoli à deux mois de prison avec sursis, 2 000 euros d’amende et trois ans d’interdiction de détention d’armes.
2 – Les moyens
La société Prado Gourmand se retrouve en liquidation en 2023 et le gérant, Jean-Raphaël Racine-Grisoli, est sommé de rembourser 2,75 millions d’euros pour lesquels il s’est porté caution pour un prêt de 5,7 millions d’euros contracté auprès de la banque BNP Paribas en 2017.
Sachant « Que de plus, le patrimoine de Monsieur Jean-Raphael RACINE-GRISOLI est composé uniquement de parts sociales et de titres dans différentes sociétés dont certaines de droit luxembourgeois. »
Sachant « Que le recouvrement est d’autant plus compliqué que Monsieur RACINE-GRISOLI réside en Belgique et que le montant de la créance est conséquent. »
“Le Tribunal judicaire de Marseille autorise la BNP Paribas à prendre nantissement judiciaire provisoire sur les parts sociales détenues par Jean-Raphaël RACINE-GRISOLI dans ses quatre sociétés dont la SAS CHATEAU PRINCE PIERRE NAPOLEON et le GFA DOMAINE PRINCE PIERRE NAPOLEON.”
Bravo au Maire de Calenzana et à l’ancien Président de la Chambre d’agriculture de la Haute-Corse qui ont soutenu ces porteurs de projet aux profils violents, irrespectueux des lois et qui, par leur mauvaise gestion, ont permis à une grande banque d’acquérir du foncier agricole en Corse.
[1] Commission territoriale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers