Aiacciu/Ajaccio – Entre la “Pénétrante” et le PLU il faut choisir !

Ligne orange : tracé du projet de la voie nouvelle dite “Pénétrante Est d’Ajaccio”

Le dernier avis par la Mission Régionale d’Autorité environnementale de Corse (avis n° MRAe 2019-PC7 du 1er juillet 2019*) sur le projet de création d’une route dite « Pénétrante Est d’Ajaccio » et mise en compatibilité des documents d’urbanisme des communes d’AJACCIO et de SARROLA-CARCOPINO est pour le moins … « décoiffant » !

Jugeons sur pièces :

1- Les projets de la voie dite “Pénétrante Est d’Ajaccio” et du PLU d’Ajaccio sont-ils compatibles ? La réponse est non ! L’avis soulève que ce que prévoit la Collectivité de Corse et ce que prévoit le PLU sont en contradiction :

« La MRAe s’interroge sur la compatibilité de la révision générale du PLU d’Ajaccio qui est en cours avec le projet de pénétrante Est, notamment sur l’intégration des dispositions (…) qui rendent les terrains inconstructibles sur une bande de 75 m de part et d’autre de l’axe de la future voie qui sera classée « route à grande circulation » .En effet le projet de mise en compatibilité par déclaration d’utilité publique du PLU d’Ajaccio approuvé le 21 mai 2013 prévoit l’instauration d’une zone non aedificandi aux abords de la nouvelle voie (75 m de part et d’autre) et la mesure de compensation SC7 en faveur de la biodiversité, conduira à limiter l’urbanisation prévue au droit du Mont Sant’Angelo. Or, une partie des parcelles visées par la compensation est classée au sein du projet de révision générale du PLU, en zone à urbaniser à moyen terme destinée à accueillir de nouveaux logements (2AUE au nord et dans une échéance à moyen terme 2AUC au sud). L’étude indique de son côté que ces parcelles feront l’objet d’un déclassement en catégorie N (espace naturel) ce dernier n’ayant toutefois pas été retranscrit dans la révision générale du PLU d’Ajaccio. » 

2 – Des variantes ont-t-elles été recherchées ?  Le parti retenu est-il justifié ? La réponse est non !

« L’étude rappelle que le projet de la Rocade Nord d’Ajaccio est un projet « ancien » reposant sur un diagnostic de réseau viaire réalisé entre 2002 et 2007. Par ailleurs, le Schéma Directeur des Routes Territoriales de Corse (SDRTC) portant cette opération, ne présente pas de solution de substitution à ce projet. Il revient donc à l’étude d’impact présentée d’analyser les alternatives à ce projet, en tenant compte de l’ensemble des modes de déplacement possibles pour satisfaire les besoins de mobilité. Le dossier ne présente pas d’alternatives à la mobilité routière, et ne permet pas de comparaison avec d’autres choix d’aménagement ou modes de déplacement. »

3 – Cette voie est-t-elle compatible avec le Padduc ? L’avis considère que la compatibilité de ce projet avec le PADDUC n’est pas démontrée :

« Le PADDUC identifie le projet de la Pénétrante comme faisant partie d’un Secteur d’Enjeu Régional (SER) qui s’étend de la route d’Alata à l’ouest à la gare de Mezzana, à l’est. L’étude conclut à la compatibilité du projet de voie nouvelle avec le SER du fait de son inscription dans les orientations envisagées dans le secteur. Une analyse portant sur le projet d’ensemble tel qu’attendu pour le SER (livret III, p 13) est toutefois nécessaire dans le cadre de la modification du PLU d’Ajaccio. Par ailleurs, l’étude ne paraît pas concluante sur l’adéquation du projet avec l’objectif opérationnel « faciliter la mobilité interne » porté par le PADD du PADDUC, dont l’objectif affiché est de favoriser au maximum le recours aux modes de déplacements alternatifs à la voiture individuelle, qu’il s’agisse des modes doux (marche à pied, vélo) ou des modes collectifs routiers ou ferroviaires. »  

4 – L’avis, dans sa conclusion, pointe la non prise en compte de la « stratégie bas carbone »

« Le Schéma des Routes Territoriales de Corse, le contrat de plan État-Région, le PDU du pays ajaccien ou encore le PLU d’Ajaccio sont présentés comme encadrant la justification de la nouvelle voie. Toutefois, la description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, en fonction du projet et de ses caractéristiques spécifiques, et l’indication des principales raisons du choix effectué, eu égard aux incidences du projet sur l’environnement restent très insuffisantes. Une évaluation environnementale stratégique basée sur des études de mobilité appropriées, devrait aborder les questions de mobilité en réinterrogeant différentes solutions modales à plusieurs échelles, et proposer des choix cohérents avec les objectifs de la transition énergétique et de la transition écologique. Ainsi, le projet ne s’inscrit pas clairement dans les objectifs de la Corse en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et ne tient pas assez compte de la réduction des risques sanitaires et environnementaux »

Notre conclusion est résolument optimiste : lorsque l’État sépare clairement les pouvoirs, ce qui est effectif désormais concernant l’autorité environnementale grâce à la Commission Européenne qui a imposé cette séparation des MRAe et des Préfets, le travail d’analyse et d’information est bien fait. Ah si les contrôles de légalité pouvaient être enfin confiés à des autorités indépendantes des Préfets ! 

Il faut désormais que ces éléments que l’État connait guident les décisions de l’administration, en entrainant dans ce cas précis un refus d’autorisation environnementale.

Pour finir sur une note très positive : cet avis sérieux nous dit que les lois ont changé, que les populations ont obtenu de leurs gouvernants un cadre protecteur pour l’environnement et que les projets du XXèmesiècle n’ont plus forcément leur place au XXIème. Reste à faire comprendre tout cela à nos décideurs…