Amiante en Haute-Corse : nouveautés et graves inquiétudes sanitaires

L’amiante est classé substance cancérogène sans seuil et la Haute-Corse est la région où le risque lié à l’amiante environnemental est le plus élevé. Dans le cadre du Plan National Santé Environnement, le BRGM a été chargé de cartographier l’aléa amiante environnemental des 139 communes concernées.

Que va en faire l’État ? Le PADDUC préconisera-t-il des solutions ?

Dans le rapport RP58847, le BRGM dresse la liste des 35 communes possédant les superficies cumulées d’aléa 3 et 4 les plus importantes. Soit un total de 18 179 hectares ! Et il n’y a pas que les communes de Canari, Bastia et sa vallée du Fangu, Muratu ou Bustanicu qui sont concernées ; Olmeta di Capicorsu et Barrettali sont en tête de ce tableau.

Il s’agit donc d’informations incontournables si on veut parler concrètement d’amiante en n’oubliant pas que l’amiante est un problème de santé publique puisque « une seule fibre d’amiante peut provoquer un mésothéliome ». Sénat, novembre 2010 et Porchay 2010 (voir ci-dessous).

Si ces fibres mortelles peuvent être d’origine industrielle (éverite, matériaux de flocage, d’isolation, etc), en Haute-Corse, pour des raisons géologiques, elles sont d’origine environnementale. C’est dans les roches appelées serpentinites (et les péridotites plus ou moins serpentinisées) que leur présence est signalée en abondance. L’étude du BRGM a montré que d’autres roches peuvent en contenir, et d’autant plus que celles-ci présentent des zones broyées. L’amiante se présente souvent sous forme de veines blanchâtres et il s’altère naturellement en libérant les fibres.

Mais, en cas d’excavations mécaniques, la prolifération des fibres est multipliée. Plusieurs questions se posent alors.

Première question : est-ce que des chantiers prévus sur des terrains d’aléa 3 ou 4 sont indispensables ? Le problème posé est celui de la délivrance des permis de construire sur ces terrains. Que doit faire le décideur avec les cartes et les préconisations des spécialistes ? L’Etat et/ou le PADDUC ne doivent-ils pas limiter les autorisations de chantiers sur ces terrains ?

Deuxième question : si malgré tout le chantier doit avoir lieu, y a-t-il des solutions, sanitairement parlant ? Dans ce cas le droit du travail et tous les textes réglementaires doivent être appliqués, les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre assujettis à leurs obligations de prévention respectives. Les contraintes qui, lors de l’appel d’offres, doivent être répertoriées (humidification, bâchage, transport des déchets, mesure du taux de fibres émises par le chantier, etc) seront appliquées avec rigueur.

Troisième question : où déposer ces déchets de roches amiantifères sachant que la Corse ne possède aucun centre habilité à les recevoir et que ce centre devrait, selon U Levante, être une installation classée de type 1 ?

L’Amiante environnemental : un risque sanitaire – PORCHAY (2010) Extraits

Les questions de santé publique liées à l’impact des expositions environnementales à l’amiante sont encore récentes. Cette exposition environnementale est définie comme une exposition à la pollution de l’air extérieur ou intérieur par des fibres d’amiante. Longtemps masquée par le problème de l’exposition professionnelle, elle a un impact sanitaire difficilement quantifiable mais bien réel. Cela tient au caractère cancérigène des fibres d’amiante présentes et mobilisables dans l’air lequel ne possède pas de seuil d’exposition en deçà duquel il s’annulerait. …

Les effets sanitaires de l’amiante

Les fibres d’amiante présentent un risque sanitaire lors de leur inhalation sous forme de poussières. En effet, du fait de leur taille (400 à 2 000 fois plus petites qu’un cheveu), elles ne sont que très partiellement évacuées ou dissoutes par l’organisme après inhalation. Les fibres qui demeurent dans l’organisme interagissent avec les tissus environnants, provoquant des inflammations et/ou perturbant le mécanisme de division cellulaire. Certaines fibres vont se déplacer de l’intérieur du poumon vers la plèvre, voire le péritoine.

Les pathologies provoquées par l’amiante sont plus ou moins spécifiques. Elles touchent essentiellement les poumons et la plèvre :

– Les plaques pleurales constituent des épaississements locaux de la plèvre (double sac qui enveloppe les poumons). Elles entraînent l’apparition de lésions pleurales bénignes, souvent faiblement invalidantes. Elles peuvent parfois engendrer une gêne respiratoire. Considérées comme un marqueur d’exposition passée à l’amiante, elles apparaissent en général plus de 15 ans après une première exposition à l’amiante ;

– L’asbestose provoque une transformation fibreuse progressive du poumon qui évolue vers une insuffisance respiratoire chronique grave dont l’issue est généralement fatale. Elle s’observe chez les travailleurs soumis à des expositions relativement intenses et prolongées aux fibres d’amiante. Le temps de latence entre l’exposition et la survenue de la maladie se situe entre 5 à 10 ans, voire plus. …

– Le mésothéliome est une transformation cancéreuse de la plèvre. Indépendante de l’apparition des plaques pleurales, cette tumeur de la plèvre semble imputable à l’exposition à l’amiante. Les mésotheliomes seraient susceptibles d’apparaître suite à des expositions plus ou moins longues, à des concentrations relativement faibles d’amiante. On se trouve ici dans le cas de l’exposition passive. Il ne semble pas exister de valeur seuil d’exposition en rapport avec un risque d’apparition. Le plus souvent, le temps de latence entre l’exposition initiale à l’amiante et l’apparition des troubles respiratoire est très long. Il est rarement inférieur à 20 ans, souvent de l’ordre de 30 à 40 ans, voire plus.

Devant le danger sanitaire évident, l’État va-t-il appliquer avec vigueur le principe de précaution ? Le PADDUC appuiera-t-il dans le même sens ? La population, qui a connu l’exploitation de la mine de Canari et la mortalité qui en a résulté, peut être légitimement inquiète.

 

 

 

 

 

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