Bunifaziu, imbroglios urbanistiques : permis annulés, chantiers arrêtés, permis retiré, pourquoi ?

Le 3 février 2022, M. le Rapporteur public du tribunal administratif de Bastia a demandé à la commune d’abroger son PLU dans les trois mois. Parmi les zonages déclarés illégaux figurent un zonage UP et un zonage UP1 de part et d’autre de la RT40.

Quatre exemples (figure ci-dessous) illustrent, sur un secteur géographique réduit, les différents devenirs de demandes de permis de construire qui auraient dû TOUTES être stoppées dès l’instruction par la commune.

1.- Cas de la SCI Foce dell’Edera, anciennement SCCV Foce dell’Edera

Créée en 2014, la société a un objet social bien défini : construire un ensemble immobilier de 12 bâtiments pour un total de 36 logements sur les parcelles D583 et D292 à Bonifacio et vendre les immeubles construits. Cette deuxième clause disparaît en 2018 en même temps que la SCCV se transforme en SCI. Le PC est accordé le 23 décembre 2015 et prorogé le 23 décembre 2018. 

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La demande de défrichement, déposée seulement le 21 janvier 2021, est suivie d’une demande d’examen au cas par cas complète, le 31 mars 2021. Sur proposition de la DREAL, le préfet décide dans son l’arrêté du 4 avril 2021 que le projet de création d’un ensemble immobilier de 12 bâtiments est soumis à étude d’impact.

Normalement cette décision précède le défrichement et la construction, sauf qu’ici tout est déjà réalisé ! En effet, le début du défrichement est visible sur la photo aérienne de juin 2016 et le chantier de construction est commencé en juin 2019. En 2021, l’extérieur des maisons est terminé (photographie ci-dessous).

Constructions le 4 09 2021

Les parcelles sont en zonage UP1 du PLU de Bonifacio, zonage déclaré illégal le 3 février par le Rapporteur du tribunal administratif : zonage inconstructible car non respectueux de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

La délivrance du PC aurait dû être attaquée en justice, le contrôle de légalité n’a pas été effectué. Le respect des procédures pour le défrichement n’a pas été respecté. Le chantier sera-t’il terminé un jour ?

La demande d’abrogation du PLU (U Levante) a été déposée au tribunal administratif le 2 septembre 2020.  L’annulation de ce zonage UP1 était demandée. 

2.-Cas de la SAS TEH

Domiciliée à Porto-Vecchio, dont le président est une société domiciliée en Espagne. Elle est liée à la SCI Nicole 7 de Porto Vecchio.

Le maire de Bonifacio accorde un PC le 23 mars 2020 pour un ensemble immobilier de 28 logements sur les parcelles cadastrées section G n°s 456, 650, 711 et 713, lieudit Bancarella-Foce Dell’Edera.

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Suite au déféré du Préfet de la Corse-du-Sud, enregistré le 4 septembre 2020, le TA de Bastia décide le 21 décembre 2021* que l’arrêté du maire de Bonifacio est annulé. Le TA précise : « le préfet de la Corse-du-Sud est fondé à soutenir qu’en délivrant le permis litigieux, le maire de Bonifacio a fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme telles que précisées par le PADDUC. En fait, le projet de la SAS TEH vise à démolir trois bâtiments d’une surface de plancher totale de 194 m2, ainsi qu’une piscine, pour y édifier un ensemble immobilier de 28 logements, couvrant une surface de plancher totale de 2 074 m2. »

 De plus, comme on le voit sur la figure ci-dessous (image Google Earth 2020), plusieurs bâtis existant sur l’ensemble des 4 parcelles (trait rouge) ne sont pas cadastrés.

Une partie des parcelles G711 et 713 est en zonage NP du PLU (inconstructible donc puisque N=Naturelle), le reste des parcelles est en zonage UP1, zonage illégal selon le Rapporteur du TA de Bastia :

Extrait de la cartographie du PLU :

Le maire n’aurait pas dû accorder le PC, mais dans ce cas, le contrôle de légalité a bien fonctionné. Le Rapporteur du TA a implicitement reconnu les arguments d’U Levante avancés dans son recours en abrogation du PLU puisqu’il considère le zonage UP1 illégal.

3.- Cas du PC 2A041 21 B0062

La demande de PC déposée le 8 juillet 2021 par Mme XXX domiciliée en Belgique, concerne la parcelle G852 d’une surface de 6 000 m². Le permis valant division permettait la construction de 2 villas avec piscines.

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Le 6 août 2021, le service de l’instruction du service de l’urbanisme de Bonifacio écrit :

En effet, la parcelle est située en espaces proches du rivage (EPR : ligne turquoise) et sur le trait qui limite l’espace remarquable (ERC) inconstructible du PADDUC et à 50 m d’un site classé (falaises/plateau) :

Extrait de la carte n°9 du PADDUC :

Le 7 octobre 2021 le conseil des sites émet un avis défavorable.

Toutes les procédures ont été respectées, sans avoir besoin d’un recours vers la justice. L’illégalité du zonage UP (et donc l’illégalité du PC) est reconnue par la mairie par application des L. 121-8 (constructions non en continuité d’une agglomération) et L. 121-13 (extension non justifiée dans les espaces proches du rivage) du code de l’urbanisme.  C’est donc possible !

4.- Cas des PC 2A041 21 B0050 et 51

Les demandes de PC de Mmes XXX datent du 2 juin 2021 et concernent la construction :

  • d’une résidence principale sur la parcelle G 987,
  • d’une résidence secondaire sur la parcelle G 986.

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En zonage UP du PLU et dans les espaces proches du rivage (ligne turquoise) délimités par le PADDUC.

Extrait carte n°9 du PADDUC :

Extrait de la cartographie du PLU :

Le 24 septembre 2021, les deux propriétaires des parcelles ont fait savoir à la mairie qu’elles retiraient leur demande. Les dossiers sont donc clos.

Conclusion

La chronologie de ces 4 cas semble montrer une très lente prise de conscience. Il est navrant que le projet 1 ait été en partie réalisé avec des conséquences importantes très regrettables sur l’environnement.

Un PLU illégal de l’ouest à l’est et du nord au sud et sa non-mise en compatibilité avec le PADDUC (qui aurait dû être effective fin 2018) a permis pendant des années un mitage extrêmement important du territoire bonifacien. A travers l’annulation de permis de construire, le tribunal administratif, avait déjà reconnu l’inconstructibilité des zonages UP et UP1 et le Rapporteur les a déclarés illégaux le 3 février 2022.