Bunifaziu. Le banquier Lefèvre veut construire à Balistra, coûte que coûte

« Coup de tonnerre sur Balistra, info ou intox ? » titre l’association bonifacienne ABCDE sur son blog, résumant ainsi l’ambiguïté d’un dossier où la seule réalité est que le banquier Lefèvre veut construire coûte que coûte à Balistra.
En effet,  l’imbroglio qui fait jour dans cette affaire soulève nécessairement quelques interrogations. Deux permis de construire tacites accordés à un richissime people dans une zone non constructible et une accumulation « d’erreurs » administratives laissent planer un doute : l’opposition officielle à la constructibilité de ces parcelles manifestée par la commune est-elle crédible ?

Plantons le décor : Depuis les années soixante, M. Lefèvre détient plusieurs hectares entre l’étang de Balistra et l’étang de Canettu. Lieux idylliques. Il y possède, depuis longtemps, trois maisons, que d’ailleurs les limites de l’espace remarquable et de la Znieff de type 1 ont contournées (voir carte). Mais le banquier veut construire encore. Il dépose de nouveaux permis.

Des constructions déjà annulées par deux fois. Par deux fois, en 2007 et 2008, l’association ABCDE fait annuler ces permis. Elle obtient gain de cause notamment pour non-conformité à la loi Littoral qui, pour stopper le mitage des paysages, impose de construire en continuité de l’existant urbain et hors des paysages protégés. Ce petit regard dans le rétroviseur retrace en quelques lignes la chronologie des faits :

22 mars 2007 : premier permis de construire accordé par la commune.
– 22 mai 2007 : requête en annulation présentée par ABCDE.
– 22 juillet 2008 : annulation par la commune du permis de construire  (postérieurement à la requête d’ABCDE).
– 27 janvier 2009 : le tribunal administratif conclut par un non-lieu à statuer.
–  20 février 2008 : deuxième permis de construire  accordé par la commune pour 7 bâtiments.
– 19 avril 2008 : requête en annulation présentée par ABCDE
– 9 octobre 2008 : permis de construire  annulé par le tribunal administratif au motif que la construction n’est pas en continuité de l’existant (art. L 146-4 loi Littoral).
– 25 novembre 2010 : rejet par la cour administrative d’appel de Marseille de la requête en appel de  Lefèvre (Lefèvre et la commune condamnés chacun à 1000 €).
– 24 juin 2011 : le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État de Lefèvre est rejeté.

Le banquier récidive. Le 5 décembre 2008, M. Lefèvre dépose une troisième demande de permis, pour dix maisons cette fois. La chose se fait sans bruit. Elle s’appuie sur l’ancien PLU qui classait la zone comme urbanisable (PLU annulé depuis, suite à l’action d’ABCDE). Le maire ne répond pas. Du même coup, le permis est considéré comme accordé. C’est ce qu’on nomme un permis tacite. Obtenu par défaut de réponse quand le délai légal est dépassé. Le permis de construire devient un permis tacite le 5 mars 2009. Sans bruit disions-nous : il n’est pas affiché et aucune information sur son existence n’est ébruitée. ABCDE n’en sait rien.

Et deux permis tacites. Deux ! À ce stade du propos, il est utile de rappeler que, quasiment au même moment (11 février 2008), le même banquier Lefèvre dépose une autre demande de permis de construire en mairie de Bunifaziu par l’intermédiaire de la société « Rondinara Loisirs SA ». La SA veut construire une résidence hôtelière de 54 logements à Rundinara. Là encore le maire ne se prononce pas. Son silence entraîne la délivrance d’un autre permis tacite obtenu vraisemblablement en date du 9 novembre 2008. Deux permis tacites en quelques mois pour la même personne, sur des sites d’enjeu patrimonial ?!

Erreur, incompétence ou intention ? Mais revenons à Balistra où la litanie des “erreurs” administratives se poursuit.
• Le 30 mars 2009, le maire de Bunifaziu procède au retrait du permis tacite obtenu à Balistra. Lefèvre dépose alors un recours au tribunal administratif. Le tribunal donne raison au banquier le 12 mai 2010. Soit dit en passant, personne n’en sait toujours rien.
• La commune fait appel de la décision du tribunal administratif qui accorde le permis de construire à Balistra mais elle n’invoque pourtant pas une autre décision majeure tombée parallèlement le 21 mai 2010. En effet, à cette date, la Cour d’appel se prononce sur la légalité du PLU de Bunifaziu et considère que la zone UL3b de Balistra se trouve dans un paysage remarquable. Ce zonage annulé, les parcelles Lefèvre deviennent donc inconstructibles. Or la commune n’utilise pas ce moyen de défense, pourtant radical. Si la commune avait rappelé ce jugement du 21 mai 2010, le permis aurait pu être annulé…
Que comprendre ? Pourquoi ne l’a-t-elle pas utilisé ? Car la Cour d’appel ne peut se baser que sur les moyens soulevés !  Et, le 16 mai 2012, elle n’a pu que  confirmer  le jugement du tribunal administratif : le permis de construire  de Balistra, accordé tacitement en mars 2009 est validé.
Si la commune avait rappelé ce jugement du 21 mai 2010, le permis aurait pu être annulé…

Interrogations. Officiellement, aujourd’hui, la commune se positionne contre la constructibilité de ces parcelles. Mais cette accumulation d’erreurs  administratives et juridiques laisse perplexe ! La position manifestée par la commune est-elle crédible ?
Reste que la durée de validité d’un permis de construire est de deux ans. Celui, concernant dix maisons, dont a bénéficié  M. Lefèvre date du 5 mars 2009.  Il aurait été valide  jusqu’en 2011. La commune a dit qu’elle s’y opposerait. Elle retrouverait alors sa crédibilité écornée.

 

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