Conseil municipal d’Ajaccio du 22 février 2021. LETTRE OUVERTE à M. le Maire, Mmes et MM. les Conseillers municipaux

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers municipaux,

Dans sa publication du 14 février 2021 sur son site, l’association U Levante exposait son analyse quant à la délibération n°2018/147 adoptée lors du Conseil Municipal d’Aiacciu/Ajaccio du 27 juin 2018 relative à :

  • La vente de gré à gré d’une partie de la parcelle cadastrée section CP n°134,
  • La constitution d’une servitude de passage sur la parcelle cadastrée CP n°134 située lieudit VIGNOLA.

https://www.ulevante.fr/vignola-2eme-chapitre            

L’objet de la présente lettre ouverte est de mettre en perspective notre publication avec les propos tenus par M.  Marcangeli, Maire d’Aiacciu et Mme Ottavy, adjointe à l’urbanisme, propos rapportés dans les articles de Corse Matin (24/02/21) et Corse Net Infos (23/02/21).

A – Non-respect de la convention de maîtrise d’usage et de gestion conservatoire « Vignola-Suartello » entre la Mairie d’Ajaccio et le Conservatoire des Espaces Naturels (CEN-Corse), visée par Engie.

Dans le cadre du réaménagement de la station de stockage GPL d’Ajaccio au lieu-dit Loretto, la société Engie a été tenue d’appliquer des mesures visant à supprimer, réduire et compenser les effets du nouvel ouvrage sur l’environnement.

Des mesures compensatoires réglementaires ont été mises en place pour mieux prendre en compte les enjeux de préservation de la biodiversité consistant dans la gestion de 20 hectares de terrain sur une durée de 20 ans, en faveur de trois espèces (La Tortue d’Hermann, le Sérapias négligé et le Sérapias à petites fleurs).

Les trois parties contractantes ont signé une convention de « maîtrise d’usage et de gestion conservatoire » le 9 novembre 2017.

Si l’on examine plus en détail l’emprise foncière objet de la mesure compensatoire « Loregaz » en arrière des parcelles CP 20 et 21 et la voie privée en amont, on constate qu’elle correspond à la partie de la parcelle CP 134 visée par l’avis favorable à la vente de gré à gré d’une surface d’environ 1 000 m2.

Le site d’informations en ligne Corse Net Infos (mardi 23 février 2021) rapporte les précisons de l’exécutif municipal à ce sujet : “Par ailleurs, la parcelle aurait été exclue de la convention tripartite par un avenant signé entre les parties en octobre 2018 « dans la mesure où elle faisait l’objet d’une promesse de vente ». “

Elles appellent de notre part les observations suivantes :

  • La carte des panneaux informatifs implantés récemment sur le site par le CEN de Corse ne traduit pas une telle diminution des espaces supports des mesures compensatoires ;
  •   si un tel avenant a été effectivement signé entre les trois parties contractantes : l’avenant doit être rendu public, a minima lors d’un prochain conseil municipal,
  • les panneaux d’affichage doivent être modifiés en conséquence.
  • Dans l’hypothèse de l’existence d’un tel avenant réputé signé en octobre 2018, il n’en demeure pas moins que la délibération, votée en juin 2018, autorisant  M . le Maire à signer un futur acte de vente de gré à gré, viole les engagements pris par la commune en novembre 2017 auprès de ses cocontractants, à savoir ENGIE et le CEN-Corse.

B – « Sur le plan de la circulation, le projet de création d’un accès direct à la route départementale n° 111 présente un caractère de dangerosité »

Nous ne pourrions qu’applaudir des deux mains ce louable souci pour la sécurité routière des occupants de la future promotion immobilière et des usagers de la route des Sanguinaires exprimé dans la deuxième page de la délibération n°2018/147 du Conseil Municipal du 27 juin 2018 !

Il va falloir malheureusement vite déchanter à la lecture du dossier du permis de construire n° 02A004 18 A0158

  • déposé le 30 octobre 2018 (soit 4 mois après le Conseil Municipal !),
  • accordé le 28 janvier 2019 (soit 7 mois après le Conseil Municipal !),

qui précise que les 2 bâtiments en bord de la RD n°111 (sur les 4 du programme) bénéficient d’un parking sous-terrain débouchant directement sur ladite voirie.

Le quotidien Corse matin dans son édition du 24 février 2021 rapporte les propos suivants de Mme Ottavy :

“« De plus, ce permis de construire n’a pas été contesté par le contrôle de légalité, la CdC avait bien été consultée et c’est la raison pour laquelle la CP 134 sera utilisée pour une servilité de passage, afin d’éviter tout risque sur la RT 111, route des Sanguinaires. » Sur ce point, Jean-André Miniconi s’interroge alors sur l’autorisation d’une sortie par l’avant de la résidence, sur la route, à un endroit unanimement considéré comme dangereux. Jugée pertinente par le maire, la question fera l’objet d’une réponse lors d’une prochaine session du conseil.”

Nous attendons avec curiosité les explications qui pourraient miraculeusement justifier qu’un caractère de dangerosité avéré en juin 2018 soit à ce point « relativisé » en janvier 2019 !

C – Utilisation d’un référentiel caduc !

L’édition du 24 février 2021 de Corse Matin rapporte les propos suivants de Mme Nicole Ottavy en réponse à l’intervention de M. Jean-François Casalta :

 “Vous rapportez une erreur de classement de cette zone classée en AUS et vouée sur la zone de Vignola à des « activités sociales, d’enseignement, de formation et de recherches liées au développement des énergies renouvelables ». Or cette zone a été annulée par le tribunal administratif le 16 décembre 2014. Ce jugement a ensuite été confirmé par la Cour d’appel de Marseille le 15 mai 2016. La commune a alors été sommée d’appliquer, sur cette zone précise, le document d’urbanisme antérieur, à savoir le POS de 1999.”

Cette déclaration appelle de notre part les remarques suivantes :

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille n°15MA00571 / EARL DOMAINE PERALDI et SOCIÉTÉ PARC PERALDI (audience du 22 avril 2016 – Lecture du 13 mai 2016) confirme effectivement l’annulation des zones US et AUS de Vignola prononcée par le Tribunal administratif de Bastia en 2014.

Pour une meilleure compréhension, nous reproduisons ci-après le 35ème considérant de l’arrêt n°15MA00571 :

Ceci posé, le règlement de la zone NAe du plan d’occupation des sols de 1999 (qui couvrait la partie de la parcelle CP134 en question) subordonnait explicitement l’urbanisation à une modification du POS ou à la création d’une ZAC.

Extrait du règlement de la zone NA du POS de 1999 :

Or, il n’y a jamais eu ni modification du POS ni création de ZAC. Le secteur restait inconstructible.

Par ailleurs, il faut rappeler qu’une commune a l’obligation de tenir compte d’une décision d’annulation d’un PLU. Dans l’arrêt précité, la CAA Marseille a considéré que le secteur de Vignola ne pouvait être urbanisé, car ne se situant pas en continuité de l’agglomération d’Ajaccio. Si cette annulation a eu pour effet de rétablir le POS antérieur, et à supposer que sous l’empire dudit POS le secteur était constructible, la commune n’en était pas moins tenue d’écarter l’application du POS en l’espèce puisque la CAA avait jugé que ce secteur n’avait pas vocation à être urbanisé. Toute autorisation individuelle délivrée dans le périmètre de cette zone NA était donc illégale.

Ceci résulte d’un avis du Conseil d’État du 9 mai 2005 :

Dans le cas où les dispositions immédiatement antérieures « seraient elles-mêmes affectées d’une illégalité dont la nature fait obstacle à ce qu’il en soit fait application, l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme est tenue de se fonder sur le document encore antérieur ou, à défaut sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du Code de l’urbanisme » (CE, avis, 9 mai 2005, Marengio).

En substance, cela signifie que la commune ne pouvait délivrer un permis sur la base du POS dans ce secteur dont il était tenu d’écarter l’application.

Compte tenu :

  •   de tous les éléments exposés ci-avant,
  • que le secteur de Vignola est un « hot spot » important pour la biodiversité en général et pour les tortues d’Hermann en particulier,

l’association U Levante confirme sa demande de publication d’un arrêté interruptif de travaux… en précisant que, faute d’adopter un arrêté interruptif de travaux, la responsabilité pénale de la commune pourrait être recherchée pour complicité de destruction d’espèce protégée, puisqu’il lui incombe, aux côtés des services de l’État, de prendre toutes mesures appropriées afin d’éviter que des travaux soient réalisés en l’absence de dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers municipaux, l’expression de notre respectueuse considération.

La Direction Collégiale

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