Le blues du lanceur d’alerte

Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ?

« …toute personne, groupe ou institution qui ayant connaissance d’un danger, d’un risque ou d’un scandale adresse un signal d’alarme et, ce faisant, enclenche un processus de régulation, de controverse ou de mobilisation collective ». Une définition bien optimiste de Wikipedia !

U Levante n’a eu de cesse de dénoncer dans le souci de l’intérêt général les menaces et les préjudices graves que subit notre environnement et par ricochet notre société insulaire. Littoraux saccagés, plages privatisées, terres nourricières stérilisées, air empoisonné, fleuves contaminés, mare nostrum polluée, lacs d’altitude assiégés, jusqu’à certaines voies antiques de transhumance interdites aux bergers… La liste est longue, non exhaustive, vertigineuse.

Tableau apocalyptique ? Pas vraiment. On dit que le pessimiste est un optimiste… bien informé.

En Corse, la solitude du lanceur d’alerte est abyssale. Le silence de l’État et de nos élus, la justice bafouée, le mutisme de nombreux syndicats et partis politiques, la passivité et la résignation quasi générales des citoyens, pour lesquels les illégalités semblent devenues des normes « exotiquement nustrale », condamnent toute espérance de sursaut collectif.

Le lanceur d’alerte prêche dans le désert. Seul, face à un silence honteusement coupable, son cri de détresse reste inaudible, son cri de guerre inefficace. Même à cor et à cri, qui entend le blues du lanceur d’alerte ?

« Auri sacra fames », exécrable faim de l’or, disait déjà Virgile dans l’Énéide, qui précipite cette île déboussolée vers la dépossession de son patrimoine, de ses repères et de ses valeurs, dans une indifférence irresponsable, coupable et condamnable.

Mais il n’y a pire sourd que… celui qui n’entend pas le blues…