Le dessalement d’eau de mer, une fausse bonne idée

1.- Le prix de revient de la production d’eau

Il est fonction de la technique utilisée : 9 €/m3 par distillation, 3€/m3 par électrodialyse et 1 €/m3 par osmose inverse (2 €/m3 pour l’usine de dessalement de Sein en Bretagne). Par osmose inverse les eaux sont si pures qu’elles doivent être reminéralisées, ce qui implique des coûts supplémentaires. Il faut rajouter enfin les coûts distribution.

2.- Les problèmes environnementaux

Ces procédés sont très énergivores et génèrent d’importantes émissions de gaz à effet de serre. Mais l’impact de ces systèmes de production d’eau est surtout lié aux rejets dans le milieu naturel non seulement des saumures concentrées mais aussi des additifs nécessaires au traitement (produits d’ajustement du pH de l’eau, produits antitartres et agents antisalissures, agents antimousses et dérivés du chlore). La faune et la flore marines peuvent être menacées ; plusieurs études ont montré que l’herbier de posidonie est très sensible aux variations de la salinité.

Il faut rappeler que la microrégion concernée par le projet de dessalement d’eau de mer est située au sein du Parc naturel marin du cap Corse et de l’Agriate, créé en juillet 2016.

3.- Les autres solutions

Économies d’eau : sensibiliser les usagers, réduction des pertes d’eau des réseaux (vétusté des infrastructures), micro-aspersion et goutte à goutte.

Augmentation de l’utilisation des ressources non conventionnelles notamment la réutilisation des eaux usées traitées pour l’agriculture irriguée et le rechargement des nappes souterraines.

Recherche d’eaux souterraines et entretien des sources dans nos villages.

Ne pas attendre les arrêtés préfectoraux estivaux : gérer c’est prévoir, nous devons prendre notre destin en main, Paris ne réglera pas notre problème d’eau, le dessalement est une solution temporaire il faut des solutions durables et soutenables.

Le cas du Cap Corse : cette région connaît des problèmes non seulement de quantité d’eau mais aussi de qualité notamment en relation avec le fond géochimique (antimoine, arsenic, nickel, chrome, cobalt…).

La solution passe par les économies d’eau, la réutilisation des eaux usées traitées mais surtout par la recherche de nouvelles ressources d’eaux souterraines à partir d’une étude hydrogéologique.

Le maire de Matra a réglé son problème d’arsenic dans l’eau potable en effectuant un mélange d’eau entre un nouveau forage et son ancien captage afin de baisser la concentration d’arsenic*.

Au laboratoire d’Hydrobiologie de l’Université de Corse nous effectuons des recherches sur le problème de la présence d’arsenic dans l’eau potable du delta du Mékong au Vietnam. Dans les zones rurales l’utilisation de filtre à sable (silos de 5 m de haut) permet de réduire la concentration de cet élément toxique.

Antoine ORSINI,

Hydrobiologiste, Président du Conseil Scientifique du Parc Naturel Régional de Corse, de la Réserve Naturelle de Scandola et de la Réserve Naturelle MAB Fango (UNESCO).

* Concernant la mairie de Matra, le mélange d’eau entre un nouveau forage et l’ancien captage permet de baisser la concentration d’arsenic pour atteindre la norme réglementaire pour l’eau potable (10 µg/l). Une étude publiée par des chercheurs canadiens a montré que le niveau de risque pour la santé « essentiellement négligeable » est de 0,3 µg/l. Il existe donc un risque qui est pris en compte par les directives européennes et la réglementation française.

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