Le préfet de Corse s’embrouille dans son argumentaire pour expliquer l’absence de contrôle de légalité

Le préfet s’est livré le 15 juillet à une opération de communication. Aucune des justifications fournies n’est recevable pour un connaisseur du droit de l’urbanisme. Il s’agissait donc uniquement de sauver la face de l’administration devant l’opinion publique.
Ce scénario était prévisible. Nous voyons mal le préfet reconnaître le naufrage de l’État. La question qui se pose maintenant est de savoir comment l’état va réagir : continuera-t-il sans changement à laisser se miter le littoral, ou tirera-t-il les conséquences de la situation, vectrice de dérives inquiétantes ? Tel est là le véritable enjeu.
En ce qui concerne les arguments avancés hier, voici nos rapides commentaires:
1 – Il y aurait une «divergence d’interprétation» entre l’État et le juge administratif sur certaines dispositions de la loi Littoral. En particulier, les services de l’État auraient estimé, jusqu’à présent, que l’extension de l’urbanisation pouvait se faire en continuité d’un lotissement.
Cette prétendue « interprétation » des services de l’État est cependant contraire à une jurisprudence ancienne du Conseil d’État, que lesdits services ne peuvent pas sérieusement prétendre avoir ignoré. Un lotissement n’a jamais été un village ou une agglomération. Ainsi selon la plus haute juridiction administrative, il résulte de l’article L. 146-4, I du code de l’urbanisme que «les constructions peuvent être autorisées en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations» (CE, 19 octobre 2007 , n° 306074, Cne Lavandou ; CE, 27 sept. 2006, n° 275924, Cne Lavandou). Les tribunaux en déduisent, depuis de nombreuses années, qu’il ne peut y avoir extension de l’urbanisation en continuité d’un lotissement.
2 – Dans un esprit de pragmatisme, l’Etat aurait accepté que certaines zones constructibles empiètent sur des espaces remarquables référencés comme tels dans l’atlas du littoral. Le Préfet s’étonne que cette approche n’ait pas été validée par le tribunal administratif (TA).
L’article L. 146-6 du code de l’urbanisme impose la préservation des espaces remarquables : à l’intérieur de ceux-ci aucune construction, de quelque nature que ce soit, n’est autorisée. La loi ne laisse aucune marge d’appréciation. Les services de l’Etat ont donc consciemment toléré une violation de la loi.
3 – Le schéma d’aménagement de la Corse, vieux de 20 ans, ne répondrait plus aux besoins de la situation présente.
Les dispositions en cause du SAC, qui vaut directive territoriale d’aménagement, ne sont pas celles qui définissent les grandes orientations d’aménagement, mais celles qui précisent l’application de la loi Littoral en Corse. La pression spéculative étant beaucoup plus forte aujourd’hui qu’il y a 20 ans, ces dispositions – du reste très peu différentes de celles de la loi elle-même – sont plus que jamais nécessaires pour éviter une urbanisation anarchique du littoral corse. Au demeurant, l’actuelle majorité régionale laisse entendre que le futur Padduc comportera, sur ce point, des dispositions analogues.