Mitage illégal du littoral à Conca

Tribunal administratif de Bastia : “Le pétitionnaire ne saurait utilement se prévaloir de ce que le projet se situe en zone constructible de la carte communale de Conca, dès lors que l’exigence de continuité prescrite par l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est directement applicable aux autorisations d’occupation ou d’utilisation du sol.”

La commune de Conca, au sud de Sari Sulinzara possède une longue façade littorale où alternent une côte rocheuse et les belles plages de Favona et de Tarcu. 

Le Conseil municipal, maire François Mosconi, a approuvé la carte communale en octobre 2007. Bien qu’approuvée en violation manifeste d’une disposition de la loi Littoral et du schéma d’aménagement de la Corse, tels qu’applicables au moment de leur adoption, cette carte communale a pourtant été validée par le préfet Leyrit. 

Selon l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, en 2008 comme en 2020, sur l’ensemble du territoire communal, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants.

La loi Littoral et le Schéma d’aménagement de la Corse de l’époque (comme le PADDUC aujourd’hui), prescrivent à cet égard que l’urbanisation doit demeurer limitée, et, pour prévenir la dispersion, ils privilégient la densification des zones urbaines existantes et la structuration des « espaces péri-urbains ». Par ailleurs, ils prévoient que les extensions, lorsqu’elles sont nécessaires, s’opèrent dans la continuité des centres urbains existants.

En violation de ces principes, la carte communale de Conca délimite 8 zones constructibles (ZC) qui s’étendent très au-delà du périmètre du village, ouvrant à l’urbanisation une très grande partie de ses 6,5 km en bord de mer.  

Les zonages constructibles (ZC) de la commune de Conca

Fort de l’approbation de l’État, le maire a pu y délivrer de nombreux permis de construire, de Favone à Fautea, y compris entre la route Bastia/Bunifaziu et la mer, donc dans la bande des 100 mètres… et le mitage au bénéfice de villas s’est installé.

De 2007 à 2017, le nombre de résidences secondaires est passé de 803 à 979 (soit 176 résidences secondaires nouvelles) et leur pourcentage est, en 2017, de 63,9 % (source INSEE) tandis que la population permanente n’a augmenté que de 85 habitants, passant de 1015 à 1100 habitants.

Un peu d’histoire

Un des permis a, en 2010, défrayé la chronique ! Le 21 juillet 2010, il a été demandé par M. Paul Blanchfield, demeurant à Aix-en-Provence, associé à Jacques Cassandre, de bâtir, à Favone, une résidence de tourisme de 175 logements, sur les parcelles cadastrées section B n° 611, 348, 350, 609, 529 et 612 (superficie totale environ 10 hectares) dans les espaces proches du rivage.

Ce très gros projet était illégal à plus d’un titre :

1 – Situé dans les espaces proches du rivage, les 175 logements, essentiellement à vocation de résidences secondaires, ne pouvaient être regardés comme une extension limitée de l’urbanisation, au sens des dispositions du II de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme. Ce projet ne respectait pas non plus le Schéma d’aménagement de la Corse de 1992, en vigueur, qui prescrivait que « l’urbanisation littorale, en dehors des agglomérations et villages, demeure limitée ».

2 – Ce projet était localisé dans un secteur d’urbanisation diffuse. Or l’article L146-4-I (alors en vigueur, remplacé par le L.121-8) interdisait toute nouvelle construction même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations. Cette disposition était de surcroît renforcée par le Schéma d’aménagement de la Corse de 1992.

3 – Ce projet qui devait accueillir environ 500 personnes à lui seul ne satisfaisait pas non plus à la notion de « capacité d’accueil » de la loi : la commune possédait 1 015 habitants permanents, le pourcentage de résidences secondaires atteignait déjà 62 % : la « capacité d’accueil » de la commune aurait donc été largement dépassée.

Une forte mobilisation populaire, une manifestation, des prises de position de groupes politiques, des articles dans la presse régionale et nationale empêcheront sa réalisation pourtant soutenue par le maire F. Mosconi … Et, en 2019, un projet moins ambitieux mais tout aussi illégal, a été déposé par un promoteur, lequel a bénéficié d’un permis qui vient d’être annulé par le Tribunal administratif… Voir le jugement1901312 et l’image de Favone ci-dessous, qui démontrent que les promoteurs soutenus par les maires sont capables de revenir à la charge jusqu’à ce que ça passe.

Aujourd’hui ?

 Sur le littoral de la commune de Conca, la pression immobilière est énorme et, actuellement encore, de nombreux permis de construire ou d’aménager y sont demandés pour des lotissements de 18 lots, de 30 logements, 23 villas, 38 villas, etc. 

L’étude des jugements du tribunal administratif des années 2019 et 2020 démontre à la fois l’illégalité des zonages constructibles et un changement de l’attitude de l’État.

En effet, des requêtes de la Sous-Préfète, Mme Baconnais-Rosez, en charge de la circonscription de Sartè du 12 octobre 2017 au 29 août 2019, ont abouti à l’annulation de plusieurs autorisations d’urbanisme délivrées par le Maire de Conca, F. Mosconi.

Au moins six de ces « zones constructibles » de la carte communale ont déjà été jugées inconstructibles par le TA. Il s’agit des ZC de Suartolla, Aria Mezzana, Figa, Tarcu (nord et sud) et Favone comme en attestent les jugements*.

La compilation de tous les jugements, jusqu’aux derniers en notre possession, est très instructive quant à la façon dont le maire de Conca, officier de police judiciaire comme tous les maires, a géré et gère la pression immobilière… en délivrant de nombreux permis de construire ou de permis d’aménager des lotissements… qui, dès lors qu’ils sont déférés, se voient déclarés illégaux par la justice administrative et annulés.

Zonage de Favone

Zonage de Tarcu Nord

Zonage de Tarcu Sud

Zonage de Figa

Zonage d’Aria Mezzana

Zonage de Suartolla

L’intérêt de tous les jugements (en pièces jointes) est incontestable : tous sont fondés sur l’application du L.121-8 du code de l’urbanisme. Exemple, extrait du jugement 1901412.

« Dans ces conditions, nonobstant les circonstances que le terrain d’assiette en cause serait desservi par des réseaux publics et accessible depuis la voie publique, cet espace ne peut être regardé comme un village, une agglomération ou un espace déjà urbanisé au sens des dispositions précitées du code de l’urbanisme précisées par le PADDUC, de sorte qu’aucune construction ne peut y être autorisée. »

« … la parcelle section E n° 681 devant accueillir le projet en cause se situe dans un vaste secteur à dominante naturelle, à plus d’un kilomètre du hameau de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, et de l’autre côté de la route territoriale la séparant d’un ensemble diffus de constructions. »

« … le pétitionnaire ne saurait utilement se prévaloir de ce que le projet se situe en zone constructible de la carte communale de Conca, dès lors que l’exigence de continuité prescrite par l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme est directement applicable aux autorisations d’occupation ou d’utilisation du sol. »

En annulant les permis de construire ou d’aménager ou les certificats d’urbanisme positifs délivrés sur des zonages « constructibles » de la carte communale, le TA a fait d’une pierre deux coups : plus aucun permis ne devrait être délivré sur ces zonages nommément désignés illégaux… pas plus que sur les autres pour lesquels la même loi s’applique. Jurisprudence que devra appliquer le maire de la commune.

Comment, en 2008, le maire a-t-il pu élaborer et comment l’État a-t-il pu valider une carte communale aussi hors-la-loi ? Pourquoi, pendant les années qui ont suivi, le contrôle de légalité n’a-t-il pas été effectué ? Ces “non-actions délibérées” ont eu pour conséquence un fort impact négatif environnemental et paysager, la destruction du bien commun, et, a contrario, un développement non maîtrisé en faveur de la spéculation foncière.

Hélas, le mal a déjà rongé de vastes espaces et la carte communale n’a toujours pas été rendue compatible avec le code de l’urbanisme et le Padduc.

U Levante espère que le maire appliquera les décisions de justice pour les autorisations à venir et que cette nouvelle ligne politique de l’État sera maintenue de façon pérenne quel que soit le représentant de l’État, partout en Corse.

*JUGEMENTS :

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