Mitage illégal du littoral à Pianottuli-Caldarellu

A Punta di Capineru, entre la baie de Figari et l’anse de Chevanu, vue d’avion, témoigne d’une urbanisation récente et d’un mitage important du littoral sud de la commune de Pianottuli-Caldarellu.

La carte communale[1] de Pianottuli-Caldarellu a été approuvée par une délibération du conseil municipal de la commune du 30 mai 2008. Bien que manifestement contraire aux dispositions de la loi Littoral et du schéma d’aménagement de la Corse, tels qu’applicables au moment de son adoption, cette carte communale a été validée par le préfet Leyrit le 2 juillet 2008. 

Selon l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, en 2008 comme en 2020, sur l’ensemble du territoire communal, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants.

La loi Littoral et le schéma d’aménagement de la Corse de l’époque (comme le PADDUC aujourd’hui), prescrivent à cet égard que l’urbanisation doit demeurer limitée, et, pour prévenir la dispersion, ils privilégient la densification des zones urbaines existantes et la structuration des « espaces péri-urbains ». Par ailleurs, ils prévoient que les extensions, lorsqu’elles sont nécessaires, s’opèrent dans la continuité des centres urbains existants.

 En violation de ces principes, la carte communale1 de Pianottoli-Caldarellu délimite pas moins de 11 zones constructibles (ZC) qui s’étendent très au-delà du périmètre des « deux villages » de Pianottuli et de Caldarellu, ouvrant à l’urbanisation au minimum 184 hectares d’espaces naturels et agricoles. Fort de l’approbation de l’État, le maire de la commune, M. J. Polverini, a pu délivrer de nombreux permis de construire, essentiellement entre les villages et A Punta di Capineru… et le mitage au bénéfice de villas s’est généralisé.

De 2007 à 2017, le nombre de résidences secondaires est passé de 402 à 630 (soit 228 résidences secondaires nouvelles) et leur pourcentage de 50,9 % à 57,6 % (source INSEE) tandis que la population permanente n’a augmenté que de 78 habitants, passant de 834 à 912 habitants.

L’étude des jugements du tribunal administratif des années 2019 et 2020 démontre à la fois l’illégalité des zonages constructibles et un changement de l’attitude de l’État. 

En effet, des requêtes de la Sous-Préfète, Mme Baconnais-Rosez, en charge de la circonscription de Sartè du 12 octobre 2017 au 29 août 2019, ont abouti à l’annulation de nombreuses autorisations de construire délivrées par le Maire de Pianottoli-Caldarello. Voir le tableau ci-dessous et les jugements en PJ.

L’intérêt de tous les jugements est incontestable : ils sont tous fondés sur l’application du L.121-8 du code de l’urbanisme. 

Par exemple, selon la Sous-Préfète, l’arrêté du dossier n° 1900513* a été pris « en méconnais-sance des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme malgré l’implantation du projet en zone constructible de la carte communale, dès lors qu’il n’est pas situé dans un secteur urbanisé en continuité d’un village ou d’une agglomération. » 

Et les juges lui ont donné raison : « Il ressort des pièces du dossier, notamment de la vue aérienne jointe à la demande du permis d’aménager déféré, que le terrain d’assiette du projet se trouve dans une zone naturelle largement boisée, qui ne se situe pas en continuité d’un village ou d’une agglomération. Il suit de là que c’est à bon droit que la préfète soutient que le projet en litige méconnaît les dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. »

En annulant les permis de construire ou d’aménager et les certificats d’urbanisme positifs délivrés sur des zonages « constructibles » de la carte communale, le TA a fait d’une pierre deux coups : plus aucun permis ne devrait être délivré sur ces zonages nommément désignés illégaux… pas plus que sur les autres pour lesquels la même loi s’applique. Jurisprudence que devra appliquer le nouveau maire de la commune.

Comment en 2008 le maire a-t-il pu élaborer et comment l’État a-t-il pu valider une carte communale aussi hors-la-loi ? Pourquoi pendant toutes les années qui ont suivi, le contrôle de légalité n’a-t-il pas été effectué ? Ces “non-actions délibérées” ont eu pour conséquence un fort impact négatif environnemental et paysager, la destruction du bien commun, et a contrario un développement non maîtrisé en faveur de la spéculation foncière. 

Hélas, le mal a déjà rongé de vastes espaces et la carte communale n’a toujours pas été rendue compatible avec le code de l’urbanisme et le Padduc.  

[1] Une carte communale est un document simple qui délimite seulement des zonages constructibles ou inconstructibles.

2 Jugements