Murtoli : sentier littoral de la DDTM déféré en tribunal administratif

Dans le but de garantir l’accès libre et gratuit de tous aux rivages de la mer, le législateur a grevé les propriétés privées riveraines du domaine public maritime d’une servitude de passage pour les piétons le long du littoral (SPPL). En principe, conformément à l’article L. 121-31 du code de l’urbanisme, la servitude se matérialise par une bande de trois mètres de largeur en bordure du domaine public maritime. Il appartient alors aux services de l’État d’assurer la mise en œuvre de cette servitude.

Toutefois, par exception, lorsque cela est rendu nécessaire par la présence d’obstacles et afin d’assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage, le Préfet peut modifier le tracé, changer les caractéristiques de la servitude ou, exceptionnellement, la suspendre.

Dans ce contexte, le Préfet de la Corse-du-Sud a entrepris d’instaurer la servitude littorale de Murtoli, entre la plage de Roccapina et la place de Tralicetu, sur le territoire de la commune de Sartène, sans projet d’aménagement.

Afin de faciliter la mise en œuvre de cette servitude d’une longueur totale d’environ 8 km, le Préfet a divisé le projet global en trois tranches, faisant l’objet de trois procédures distinctes : les Bergeries (de l’embouchure de l’Ortolo à la Pointe de Murtoli), Roccapina (de la plage de Roccapina à l’embouchure de l’Ortolo), Traciletu (de la pointe de Murtoli à la plage de Tralicetu).

Détails : http://www.ulevante.fr/un-sentier-littoral-a-murtoli/

Sous prétexte de devoir éviter la présence d’obstacles rocheux sur une grande partie du tracé et de vouloir privilégier les sentiers existants, tout en contournant les «Bergeries de Murtoli », le tracé de la tranche 1, d’une longueur de 2,8 km, modifie le tracé de droit de la servitude dans son intégralité, ce qui lui a valu une forte opposition du public lors de l’enquête publique qui s’est tenue du 6 mars 2017 au 24 avril 2017. En particulier, le contournement des « Bergeries de Murtoli », un complexe hôtelier haut de gamme, réalisé largement sans autorisation ni permis de construire, a cristallisé la grande majorité des contestations. 22 des 32 observations présentées lors de l’enquête dénoncent ainsi une privatisation du littoral au profit des locations saisonnières de Murtoli.

Nonobstant ce contexte particulièrement défavorable, le commissaire enquêteur a émis un avis favorable et le tracé a finalement été adopté par le Préfet de Corse-du-Sud en janvier 2018.

La servitude de passage, dite « longitudinale », s’applique sur une bande de trois mètres de largeur calculée à compter de la limite du domaine public maritime et l’administration ne peut s’écarter du rivage qu’à la condition qu’elle démontre de façon circonstanciée l’impossibilité d’assurer la continuité du cheminement des piétons et, en principe, la servitude de passage des piétons le long du littoral doit coïncider au maximum avec le rivage de la mer.

Si le Préfet peut modifier le tracé de la servitude aux endroits où se trouvent des obstacles insurmontables, il est tenu de maintenir le tracé de droit sur le reste du parcours. En l’occurrence, les arrêtés entrepris modifient la totalité du tracé de la servitude !

S’agissant plus particulièrement du contournement des « Bergeries de Murtoli », précisons que les « Bergeries de Murtoli » sont aujourd’hui un complexe hôtelier composé de plusieurs locations saisonnières de luxe, au demeurant érigées pour la plupart en toute illégalité, sans autorisation préalable, ni permis de construire. Le choix de contournement est principalement motivé par un raisonnement d’ordre économique et touristique ! Or aucune disposition du code de l’urbanisme ne vise de telles justifications !

D’autant plus que les différents bâtiments composant le domaine de Murtoli ne sauraient être regardés comme des « obstacles » au sens de l’article L. 121-32 du code de l’urbanisme et, au 1erjanvier 1976, ces bâtiments n’étaient pas à usage d’habitation et étaient en ruines.

Les arrêtés litigieux modifient le tracé de la servitude afin de le positionner en arrière des « Bergeries de Murtoli ». Dans ces conditions, le contournement des « bergeries » de Murtoli aboutit incontestablement à privatiser le littoral, au profit du complexe hôtelier. Une fois encore concernant cette région de Corse on ne peut que s’étonner des libertés prises avec les textes de la part des services de l’État. L’intérêt général exige que le rivage soit accessible à tous et pas seulement aux quelques locataires d’un domaine privé.

Par conséquent, en se fondant sur des motifs d’ordre purement économique, le Préfet de la Corse-du-Sud a commis un détournement de pouvoir.

U Levante a demandé au tribunal d’annuler cet arrêté préfectoral qui viole les lois.