Par jugement* rendu ce jeudi 24 mars 2022, rectifié** suite à une erreur matérielle le 28 mars, le Tribunal administratif de Bastia a demandé à la commune de Calinzana d’abroger son PLU (Plan local d’urbanisme) dans les trois mois.
Calenzana compte 2 401 habitants (INSEE 2018) et 37 % de résidences secondaires, soit plus d’un logement sur 3. La commune et notamment les terres de la plaine sont très convoitées pour construire encore et toujours plus. Rappelons que selon la règle actuelle les maires ne sont pas dans l’obligation de privilégier la construction d’une résidence principale par rapport à une résidence secondaire.
Une fois la zone constructible cartographiée dans le PLU, le maire a donc, plus d’une fois sur trois, délivré un PC pour une résidence secondaire.
Les mises en valeur résidentielle ont remplacé les mises en valeur agricole …
Si l’on regarde les images aériennes des zones qu’U Levante a déférées auprès des tribunaux (encore une fois seul !), on peut voir qu’il s’agit essentiellement de maisons pavillonnaires, construites le long des routes sur des terres agricoles de fortes potentialités.
Nous l’affirmons à nouveau : l’association U Levante est farouchement opposée à cette consommation excessive des terres agricoles et s’inquiète du nombre de piscines qui consomment d’énormes quantités d’eau.
L’État va-t-il, cet été encore, obliger les agriculteurs à économiser l’eau alors que tant de piscines en consomment ? Jusqu’à quand va-t-on continuer à épuiser nos ressources, nos terres et notre eau ?
Le Tribunal administratif vient donc de déclarer illégaux de nombreux zonages du PLU de Calinzana approuvé en 2011. Hélas, certains zonages sont déjà largement construits.
La commune bénéficiant d’atouts agricoles considérables, son histoire a été fortement, si ce n’est exclusivement, marquée par l’activité agropastorale et son paysage est le résultat de cette activité.
Or 108 hectares de zones à urbaniser du PLU sont pris sur des prairies et des vergers d’oliviers centenaires.
Les auteurs du PLU de Calinzana, qui totalise 266 ha de zones constructibles, ont visiblement oublié l’agriculture et le pastoralisme pour choisir un développement résidentiel particulièrement ambitieux. Le choix d’urbaniser les vergers multicentenaires est à ce titre révélateur d’un « tout constructible » incompatible avec une vision plus mesurée qui aurait conduit à un développement harmonieux : toutes les zones à urbaniser éloignées du village historique (Santa Restituda, Camellu, Pieve et Suare) ont été déclarées illégales par le Tribunal administratif en tant que zones non urbaines ne respectant pas le L. 121-8 du code de l’urbanisme précisé par le PADDUC (l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et les villages existants).
Les zonages déclarés illégaux par le Tribunal administratif (cercles blancs) :
Secteur de Santa Restituda : zonages U4b et AU1-4b déclarés illégaux
Les zonages correspondent à une oliveraie multicentenaire, véritable patrimoine végétal qui était voué à l’urbanisation. L’oliveraie encore présente est théoriquement aujourd’hui sauvée.
Les zonages AU1-4b et U4-b illégaux du secteur de Santa Restituda – Google Earth 2020 : en vert, les surfaces non construites (au premier janvier 2021) des zonages déclarés illégaux par le TA
U Levante avait fait annuler deux « gros » permis de construire délivrés sur ce zonage AU1-4b**.
Secteur de Camellu : zonages U4a, U4b, AU1-4a, AU1-4 déclarés illégaux
Tous les secteurs sont annulés mais l’application pendant 10 ans du PLU a métamorphosé les très bonnes terres de la plaine de la Figarella (toutes classées ESA) en lotissements qui s’échelonnent le long des routes.
La plaine, sur le secteur Pietralba-St Antoine, ouvrait à l’urbanisation 89 hectares (dont 46 hectares déjà urbanisés). Ces ouvertures à l’urbanisation étaient manifestement exagérées et le principe d’économie de l’espace totalement oublié.
Camellu : les zonages déclarés illégaux AU1-4a, AU1-4b, U4a et U4b
Camellu – Google Earth 2020 : en vert, les surfaces non construites au premier janvier 2021
Secteur de Suare (La Urgone) : zonage AU1-4 déclaré illégal
La partie construite qui s’étend sur 5 ha 19 ne peut être considérée comme une « zone urbaine ». L’extension sans fondement s’étend sur 8 ha 62 : l’accroissement avoisine les 166 % !
Suare, Google Earth 2020 : en vert, les surfaces non construites au premier janvier 2021 du zonage AU1-4, déclaré illégal par le TA.
Secteur de Pieve : zonage U4b déclaré illégal
Pieve – Google Earth 2020 : en vert, les surfaces non construites au premier janvier 2021 du zonage U4b déclaré illégal par le TA.
Comment imaginer une autonomie alimentaire de la Corse pour 2050 si toutes les communes ayant des terres de bonnes ou très bonnes potentialités agricoles les sacrifient allègrement sur l’autel du tout-tourisme et de l’économie résidentielle, lorsqu’elles élaborent leurs documents d’urbanisme ?
*Jugement et *jugement rectificatif :