Razzia sur les ESA

Razzia sur les ESA : une responsabilité politique conjointe de l’État et de la CdC

Dès mars 2018, U Levante avait alerté les autorités sur les conséquences potentiellement désastreuses de l’annulation, pour un vice de procédure, de la carte des ESA du PADDUC qui identifie les Espaces stratégiques agricoles, c’est-à-dire les terres de forte potentialité agropastorale que le PADDUC, adopté en octobre 2015, rend inconstructibles.

U Levante avait alors exhorté la Collectivité de Corse à adopter, dans les plus brefs délais, une nouvelle carte des ESA afin de combler le vide juridique créé par cette annulation. Mais la CDC a choisi de revoir cette carte sur une durée d’un an afin d’associer les maires : la politique du “cas par cas” donc.

En juillet 2018, se voulant rassurants, la Préfète et le Président de l’Exécutif avaient affirmé, qu’ils veilleraient tout particulièrement au respect de l’inconstructibilité des ESA. Mais, on le sait, les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Depuis juillet 2018, on assiste à une bétonisation accélérée des ESA, sous le regard indifférent et l’État et de la CdC.

Voici quelques exemples de projets en cours, dont U Levante a pu avoir connaissance par le biais des déclarations de défrichement de plus de 5 000 m2 qui sont publiées sur le site de la DREAL : http://www.corse.developpement-durable.gouv.fr/projets-2018-a1438.html

  • à PIETRUSELLA, le projet Les Jardins de Marie, pour 101 logements consommateurs de 9 669 m2 d’ESA,  daté de novembre.

  • à FIGARI, le projet de la  Société hôtelière de Pinarello pour un hôtel/restaurant  consommateur de  3 342 m2 d’ESA, daté de novembre .

 

  • à PURTIVECHJU, le projet de lotissement commercial Exinvest consommateur de 15 290 m2 d’ESA, daté d’octobre.

  • à OLETTA, la zone d’activités de Chioso al Vescovo consommatrice de 50 000 m2 d’ESA a reçu un avis majoritairement favorable du Conseil des sites le 9 octobre.

  • à CONCA, le projet de lotissement du Domaine de Tarco pour 33 lots, consommateur de 4 456 m2 d’ESA, daté de septembre.

  • à PIETRUSELLA, Valle d’Olmo, le projet Solemare  pour 54 logements, consommateur de 27 451 m2 d’ESA,  daté de juillet.

  • à GHISUNACCIA, le projet de lotissement Fitelle pour 25 lots, consommateur de 24 100 m2 d’ESA, est passé en CSRPN en octobre 2018.

Soit, pour ces sept projets seulement, 134 863 mou 13,4 hectares de très bonnes terres agricoles vouées au béton.

Non seulement ces projets sont consommateurs d’ESA mais de surcroît la très grande majorité est en dehors des espaces urbanisés des communes et illégaux à ce titre aussi. Les avis de “non impact environnemental” de la DREAL étaient donc inutiles.

Ce phénomène prend chaque jour un peu plus d’ampleur, mais il ne date évidemment pas de juillet 2018. L’annulation de la carte des ESA, début mars 2018, a créé un appel d’air pour les promoteurs, souvent encouragés par les maires, qui se pressent de déposer des demandes de permis avant qu’une nouvelle carte soit adoptée.

Par exemple, nous avons pu également identifier les quelques projets suivants, au seul titre du mois de mars 2018 (liste non exhaustive) :

  • à MONACCIA d’AUDDÈ, un permis d’aménager A Vigna Vechja pour 25 chalets, consommateur de 18 876 m2 d’ESA,
  • à GHISUNACCIA, le projet immobilier de la SCI Solaria, consommateur de 14 216 m2 d’ESA,
  • à PENTA di CASINCA, le projet immobilier de L’Immobilière Fellici pour 13 villas, consommateur de 241 m2  d’ESA,
  • Etc.

Sauf à aller consulter les registres dans les mairies, aucune information n’est disponible sur les ESA consommés par les projets de moins de 5 000 m2… mais ils sont légion !

Sans surprise, l’État n’exerce pas le contrôle de légalité qui lui incombe et laisse, en toute connaissance de cause, passer ces projets.

Mais que dire de l’attitude de la majorité territoriale, dont on avait cru comprendre qu’elle mettait la défense de la terre corse et la préservation de notre agriculture au cœur de son combat politique ?

Comment expliquer que, depuis mars 2018, l’agence de l’urbanisme n’a toujours pas établi de nouvelle carte des ESA, alors qu’il suffirait de reprendre, à l’identique, celle adoptée en octobre 2015 avec le PADUC ?

S’agit-il, en laissant filer les choses, de donner rétrospectivement raison au président de l’agence de l’urbanisme qui prétendait, en juillet dernier, « qu’une remise à plat » de la carte des ESA était nécessaire pour tenir compte de l’artificialisation des terres agricoles ?

Il est certain qu’au rythme où vont les choses il ne restera plus guère d’ESA à protéger lorsque la CdC se décidera à adopter sa nouvelle carte… Mais restons positifs : l’État et la CdC ont enfin trouvé, dans la destruction méthodique de nos terres agricoles, un point de convergence politique.