Selon la JIRS il y a un système mafieux en Corse

Sous la plume de Jacques FOLLOROU*, le quotidien Le Monde nous apprend que la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille a transmis à la chancellerie un rapport dans lequel elle dresse un panorama inédit du système criminel insulaire.

Diverses interventions de magistrats ont déjà mis en avant une organisation criminelle qui tente de s’ériger en mafia : rapport du procureur Legras en 2000, témoignages de 9 juges dans “Juges en Corse”, mais jamais nous n’avions pu lire sous la plume de spécialistes une description aussi précise de la situation assortie de toute une série de propositions.

La secousse devrait être considérable.

Le débat va s’installer et s’amplifier, il va immanquablement montrer combien l’immobilier est concerné par le blanchiment. Cette masse d’argent qui cherche des débouchés (ils sont très limités en Corse du fait de la petitesse voire de l’absence de structures économiques capables de les abriter) est la cause de nombres d’opérations que U Levante dénonce.

La JIRS évoque un « système mafieux » qui pratique « les crimes de sang pour préserver une emprise sur un territoire » et constate « l’interpénétration du banditisme, de l’économie et de la politique » qui lui complique la tâche.

Dans ce document la JIRS brosse le bilan de dix ans d’action, (2009-2019) soit 150 dossiers, quarante personnes condamnées ou mises en examen, huit cents ans d’emprisonnement et 15 millions d’avoirs saisis.

Elle écrit « Les nombreux règlements de comptes ont pour cause non seulement le contrôle des marchés illicites – stupéfiants, jeux, machines à sous –, mais aussi des activités légales – sécurité, spiritueux, immobilier» et déplore que le fonctionnement et certaines spécificités de la société insulaire « rendent très difficile le recueil de témoignages (…), quels que soient les individus – élus et fonctionnaires, y compris ceux issus des forces de l’ordre ». La JIRS constate, désabusée : « Si tous sont prompts à dénoncer les dérives mafieuses, aucun ne se risque à parler à visage découvert. »

La JIRS propose la création « d’un service de police judiciaire unique qui réunirait les enquêteurs de la police et de la gendarmerie », mieux adapté « au caractère exceptionnel du banditisme corse » mais aussi la création d’une cour d’assises spéciale composée de magistrats professionnels et enfin une évolution globale du cadre légal existant et en particulier la loi dite du « repenti ».

Pour l’instant la chancellerie minimise, confirmant le manque de volonté politique que dénonce la JIRS, pas étonnant, Eric Dupond-Moretti, le Ministre, s’est toujours élevé contre ces demandes qui toutes avaient déjà été formulées avant ce rapport.

À relire : https://www.ulevante.fr/ne-voyez-vous-pas-le-systeme-mafieux-qui-sinstalle/

*Les deux articles du Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/10/23/la-chancellerie-reste-sourde-aux-souhaits-de-magistrats-de-voir-se-creer-un-pole-antimafia-corse_6099602_3224.html

https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2021/10/23/un-portrait-inedit-de-la-mafia-corse-brosse-par-la-justice_6099627_1653578.html