Urbanisation démesurée en Corse : l’île désenchantée

1 – Padduc non appliqué – Des résidences secondaires en pourcentage croissant.

Dans son rapport daté du 26/06/18, l’INSEE constate : « Depuis 2010, la Corse gagne 5 020 logements supplémentaires par an, soit une augmentation annuelle moyenne de 2,2 %. La région enregistre la plus forte croissance du parc de logements de France métropolitaine, devant l’Occitanie et les Pays de Loire »

Soit 25 000 logements en cinq ans (5 000 X 5 = 25 000 de 2011 à 2016 (cinq ans).

Dans son rapport daté du 17/12/2018, l’INSEE constate : au 1er janvier 2016, 330 455 habitants résident en Corse. Avec 16 000 personnes en plus depuis 2011, la population de l’île croît de 5,1 % sur cinq ans, ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 1,0 %.

Donc 16 000 personnes de plus en 5 ans de 2011 à 2016.

Pour loger 16 000 personnes supplémentaires, à raison de deux habitants par logements, il était nécessaire de construire 8 000 logements à titre de résidences principales. 17 000 résidences secondaires ont donc été construites en cinq ans en Corse (25 000 – 8 000) pour 8 000 habitations principales.

Et les données seront quasi identiques entre 2016 et 2019.

2 – Padduc non appliqué – La non-mise en compatibilité des documents d’urbanisme communaux.

À la date du 24 novembre 2018, TOUTES LES COMMUNES dotées d’un document d’urbanisme auraient dû l’avoir mis en compatibilité avec le Padduc. Cela n’a pas été le cas !

De novembre 2015 à novembre 2018, l’État a laissé les maires appliquer leurs PLU ou leurs CC (cartes communales) en vigueur dans ces communes malgré les règles du Padduc (et du code de l’urbanisme !) et a émis des avis favorables aux demandes de constructions sur des zonages U (urbanisables) et AU (à urbaniser) pourtant illégaux (non en continuité de l’existant, surfaces constructibles non proportionnelles au nombre d’habitants, zonages sur ESA (espaces stratégiques agricoles) , constructions non limitées en EPR (espaces proches du rivage) , etc. Cela explique le très grand nombre d’habitations secondaires (majoritairement à but locatif) édifié. N’oublions pas que ces documents d’urbanisme permettaient de doubler la population de Corse !

Les dispositions du Padduc sont pourtant directement opposables aux autorisations d’urbanisme individuelles, même dans les communes dotées d’un document d’urbanisme : ceci a été rappelé de très nombreuses fois par les tribunaux administratifs… quand des requêtes lui ont été adressées. Cela vaut a fortiori après le 24 novembre 2018, et désormais y compris dans les espaces stratégiques.

Concrètement, depuis le 24 novembre 2018, aucun permis ne devait plus être délivré par un maire ou par l’État dans un ESA, même s’il relève d’un zonage U ou AU dans un PLU, et les notions issues de la loi Littoral, notamment celles de « continuité d’urbanisation », « d’extension limitée d’urbanisation », devaient être interprétées à la lumière des dispositions du Padduc.

Quelle est aujourd’hui la position de l’État ? En novembre, U Levante a posé la question à Mme la Préfète. Cette dernière a… demandé son avis au ministère.

Le 17 mars nous attendons encore une réponse du Ministère et/ou de la Préfète ! 

Quelle est la position de l’Exécutif ? Inconnue ! L’avenir de la carte des ESA ? Motus ! Aucune réunion n’a eu lieu avec un comité de pilotage annoncé mais non créé. Aucune action en justice ! La mise en compatibilité avec le Padduc ? Aucune action, aucun écrit.

Cela permet à de nombreux maires de continuer d’accorder des PC sur des ESA, sur des ERC (espaces remarquables et caractéristiques) car, en dehors des espaces urbanisés de la commune… la plupart du temps pour des résidences de tourisme ou des résidences secondaires sans que l’Exécutif ne dise mot et ne mette en application le programme sur lequel il a pourtant été élu.

Oui, depuis l’adoption du Padduc en 2015, la situation empire et ce de manière accélérée. Nul ne peut le contester.

Exemple de deux PC accordés et d’un projet à Sant’Amanza, commune de Bunifaziu (mais elle n’est pas la seule !), sur des zonages U ou AU, en dehors des espaces urbanisés de la commune. Deux sont sur des ESA.

PC accordé à la SNC LBA Legout (en rose) le 17 janvier 2019: hôtel de 20 suites avec 14 piscines – 5 800 m2 d’ESA consommés 

PA accordé à la Santa Manca Invest Lesourd (en rouge) : 16 lots de villas + villa gardien – 56 000 m2 d’ESA consommés , PC accordé pour le lot n° 1 en décembre 2018

Projet Stachino Jean et ses cohéritiers : lotissement de 18 lots (en vert fluo)