Démolition des constructions illégales en Corse : yes we can !

Les associations U LEVANTE et ABCDE ont assigné les auteurs de constructions illégales dans le secteur patrimonial emblématique et inconstructible de RUNDINARA, commune de BUNIFAZIU / BONIFACIO.

Une « résidence hôtelière de 54 logements, accueil, bar-restaurant, piscine et logement de gardien » (4 000 m2) au lieu-dit Rundinara à BUNIFAZIU a été édifiée en 2012 suite à la délivrance d’un permis de construire tacite par le maire en novembre 2008. Cependant, avant la construction, le 21 mai 2010, la Cour administrative d’appel de Marseille jugeait le secteur comme protégé au titre des « espaces remarquables » de la loi littoral, donc inconstructible.

Malgré différentes mises en demeure adressées au début des travaux, en septembre 2010, la SA RONDINARA LOISIRS n’a pas interrompu le chantier commencé peu de temps auparavant.

 

Elle est assignée devant le tribunal correctionnel d’Ajaccio avec l’architecte et l’entrepreneur principal pour travaux en violation du code de l’urbanisme, passible d’une peine d’amende délictuelle comprise entre « 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder … dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite » (cf. Article L480-4 du code de l’urbanisme) soit une peine plancher de 4,8 M€ et au maximum de 24 M€.

L’audience de consignation a eu lieu le 17 septembre 2013. Les juges ont fixé la date de la prochaine audience : ce sera le 5 novembre.

Le but : dissuader les promoteurs peu scrupuleux, aidés de fait par certains maires à obtenir impunément des permis de construire en zones interdites. L’action tend aussi à rendre à un site emblématique son caractère naturel, démontrer qu’une action légale peut rendre à un lieu sa destination première et le protéger et servir d’exemple : en Corse aujourd’hui c’est « la raison du plus fort » qui règne ; l’État  y est très défaillant et aucune démolition n’est effectuée malgré les condamnations à démolition ordonnées par les tribunaux.

 

A – Présentation des lieux : le site de Rundinara, commune de Bunifaziu, Corse du Sud

Le site de Rundinara est situé sur le littoral sud-est de la Corse, entre Purtivechju et Bunifaziu. C’est une baie hémicirculaire, réputée pour son sable fin et pour son eau de couleur turquoise, entourée de rochers de granite rose. Cette plage a été élue 3ème plus belle plage d’Europe. Jusqu’à présent site non urbanisé, le vert du maquis contribuait à en faire un site naturel parfaitement préservé, au patrimoine végétal et faunistique riche, partie intégrante de la réserve naturelle de Bonifacio.

Le littoral de Rundinara, ses plages et ses zones humides sont, sur la photographie ci-dessous :

– une ZNIEFF de type 1 (n° 940030911) : limites orange

– un site Natura 2000 : limites vertes

– un espace remarquable inconstructible de la loi Littoral : limites bleues

 

B – Le scandale immobilier à Rundinara

La banque Lefèvre a obtenu un permis tacite pour 54 maisons sur des parcelles dont la Cour d’appel administrative de Marseille a déclaré l’inconstructibilité  en application de la loi Littoral.

Le 13 juillet 2006, la commune de Bunifaziu a approuvé la révision de son plan local d’urbanisme. Le nouveau PLU ouvrait à l’urbanisation des espaces déjà jugés « remarquables » au titre de l’article L146-6 du code de l’urbanisme dont des zonages urbanisables (AUL1a et AUL3a) à Rundinara.

Le 13 juillet 2006, l’association « ABCDE » déférait le PLU approuvé au T.A. qui ne faisait que partiellement droit à sa demande : seulement trois zonages étaient annulés par jugement n° 0601131 du 28 juin 2007, pas ceux de Rundinara. 

L’association interjetait appel de ce jugement près la Cour administrative d’appel de Marseille sollicitant l’annulation de nombreux autres zonages dont ceux de Rundinara.

Le 11 février 2008, alors que le plan local d’urbanisme était déféré en Cour d’Appel par l’association ABCDE, la société Rundinara Loisirs, qui gère déjà le camping existant et la paillote-restaurant, a déposé un permis de construire sur le zonage AUl1 (voir carte ci-dessous: AU1) sur les parcelles 157, 158, 159, 160, 338 et 342 d’une « résidence hôtelière de 54 logements, accueil, bar-restaurant, piscine et logement de gardien ».

Les terrains du camping comme de la zone AUL1 sont la propriété de la banque Lefèvre.

La demande de permis n’a pas été traitée par les services de l’urbanisme de Bonifacio. Elle n’a pas non plus été transmise aux services de l’État pour contrôle de légalité.

Puisque cette demande n’a pas été « traitée »… aucun permis n’a été « délivré ». L’ennui c’est que, dans ce cas, la demande de permis se transforme au bout de deux mois en « permis tacite ». Le pétitionnaire a donc dans la poche un « permis tacite ».

Etant en zonage AU (A Urbaniser) le permis ne pouvait être accordé qu’après que tous les réseaux de voirie (assainissement, eau potable, électricité, etc) soient réalisés… ce qui n’est pas le cas et après qu’un plan d’ensemble de développement de la zone soit effectué, ce qui n’est pas le cas non plus.

Sur place, les travaux de démaquisage, viabilisation, terrassement et de début de construction ont été entrepris au début de l’été 2010.

Cependant, le 21 mai 2010, la Cour administrative d’appel de Marseille annulait le zonage qui permettait l’ouverture à l’urbanisation à Rundinara pour violation de l’article L146-6 du code de l’urbanisme : le site est un espace remarquable pratiquement vierge de toute construction. 

Le 19 avril 2012, le Tribunal administratif de Bastia jugeait illégal le permis de construire délivré. 

  PLU annulé de Bonifacio : zonages de Rondinara AU1 : terrains Lefèvre, zonage déclaré inconstructible par la Cour d’Appel, lieu des constructions dont la démolition est demandée par les associations.

 

C – Les objectifs : la remise en état des lieux

Les associations ABCDE et U Levante qui collaborent depuis des années et agissent de concert au sein du Collectif pour l’application de la loi Littoral en Corse ont alors entrepris de porter plainte conjointement près le Procureur de la République pour travaux en violation de l’article L146-6 du code l’urbanisme et ont demandé la démolition de ces constructions en site inconstructible.

Cette action en demande de démolition est soutenue par la fondation Terre Humaine.

 

Les constructions Lefèvre à Rundinara (2012)