En Corse, 64 % des documents d’urbanisme communaux ne sont pas compatibles avec le PADDUC et les lois nationales 

À ce jour, 92 communes corses sont “hors la loi” : leurs documents d’urbanisme (Plans Locaux d’Urbanisme et Cartes Communales) ne sont pas compatibles avec le PADDUC et les lois nationales.

La carte ci-dessous montre que seules 52 communes corses (en jaune) ont pris leurs responsabilités en élaborant ou en révisant leurs documents d’urbanisme.

À l’opposé, 92 communes (en rose) n’ont toujours pas fait ce travail. 

Les autres communes n’ont pas de document d’urbanisme et sont soumises au RNU : les permis sont instruits et délivrés par les préfets. 

Rappel du cadre réglementaire : 

Suite à l’approbation du PADDUC le 25 novembre 2015, les communes avaient 3 ans maximum pour mettre leurs PLU ou leurs CC en compatibilité avec le PADDUC soit avant le 25 novembre 2018 (article L131-1 et suivants du Code de l’Urbanisme). 8 ans après l’approbation du PADDUC et 5 ans après ce délai de mise en compatibilité, 92 communes sont toujours « hors la loi »

Ci-dessous deux exemples de communes de l’Extrême Sud, Figari et Sotta, soumises à une forte pression immobilière, qui possèdent un document d’urbanisme non mis en compatibilité avec le Padduc : leurs territoires sont constellés de zones urbanisables (en rouge) et à urbaniser (en rose) qui ne sont ni des villages ni des agglomérations et qui sont donc illégales. Les maires de ces deux communes délivrent de nombreux permis de construire ou permis d’aménager qui, s’ils sont déférés au tribunal administratif par le Sous-Préfet, par des associations ou des particuliers, sont annulés par la justice.

La carte communale de Figari (commune littorale) : les 15 zones constructibles sont dessinées en rouge :

Le PLU de Sotta (commune non littorale) : les zones urbanisables sont dessinées en rouge (22 zonages U) et en rose (34 zonages AU) :

Pourquoi les communes préfèrent-elles ne pas mettre leurs documents d’urbanisme en compatibilité avec le PADDUC ? 

Certaines communes, qui ont un document d’urbanisme non compatible, possèdent cependant la « compétence ADS » : c’est-à-dire qu’elles n’ont pas l’obligation d’obtenir l’avis conforme des services de la Préfecture ou de la Commission Territoriale de Protection des Espaces Naturels, Agricoles ou Forestiers (CTPENAF) : leurs maires peuvent délivrer directement des permis de construire… légaux ou illégaux. En outre, les dispositions du Padduc relatives aux espaces stratégiques agricoles et environnementaux  ne sont pas directement opposables aux demandes d’urbanisme dans les communes disposant d’un PLU ou d’une carte communale. Maintenir un ancien document d’urbanisme “permet” ainsi aux maires, en toute connaissance de cause, de mettre en échec le Padduc sur ces espaces. Mais toute personne ayant un intérêt à agir qui ferait un recours contre un permis de construire ou d’aménager pour non respect des articles L. 121-8 ou du L. 122-5 du code de l’urbanisme gagnerait automatiquement son recours.

Voici un premier exemple assez parlant d’un permis d’aménager pour 11 villas de luxe avec piscine au lieu-dit Punta di Campana – Cavaddu Biancu sur la commune de Sotta

Toutes les images qui suivent sont extraites du dossier de demande d’autorisation de défrichement déposé par la SAS ROCCA E TERRA sur le site Internet de la DREAL de Corse (librement consultable par le public).

Cette parcelle se situe en discontinuité du village de Sotta : elle est à plus de 450 mètres. 

Localisation : images ci-dessous :

Sa position dans le zonage constructible AU2a du PLU (illégal selon U Levante) a « permis » au Maire de passer outre la loi Montagne (« les constructions peuvent être réalisées en continuité avec les zones déjà urbanisées caractérisées par une densité significative des constructions »), et des préconisations du PADDUC. Ce zonage constructible Au2a dont dépendent les parcelles support du permis « permet » de construire jusqu’à plus de 820 mètres au-delà de la forme urbaine du village de Sotta ! 

Pour rappel, le PADDUC précise qu’« au-delà d’une bande de 80 mètres d’espace naturel ou agricole, la continuité est difficile à établir » et qu’est également constitutif d’une rupture : « un espace agricole ou naturel, une voie importante (…), une rupture de la forme urbaine, du rythme parcellaire et bâti ».

À titre accessoire, ces villas sont en train de recouvrir un site néolithique d’importance[1].

Voici un second exemple sur la commune de Figari : un Permis de construire (PC) a été accordé par la mairie de Figari le 7 juin 2021 sur la parcelle E603.

La parcelle est classée en Espace Stratégique Agricole inconstructible et est à plus de 550 mètres de cœur du lieu-dit Uddastreddu (Ogliastrello). Pour ces deux raisons ce PC est illégal. Il a été déféré par le Préfet de la Corse-du-Sud et a été annulé le 27 juin 2023 (dossier 2101254* du Tribunal administratif de Bastia). 

Vue de la parcelle depuis la route RD422 et vue aérienne (images Google Earth)

Ces anciens documents d’urbanisme illégaux continuent de contribuer à l’étalement urbain et au mitage de nos espaces naturels, agricoles et forestiers sans liens harmonieux et cohérents avec nos villages. Le PADDUC préconise pourtant qu’« un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l’espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l’organisation et le développement de la commune. » Le Tribunal Administratif a retenu également cet argument pour annuler le PC sur Uddastreddu. 

L’association U Levante souhaite ardemment que nos élus :

  • intègrent la dimension de ce qu’est un village en révisant ou en élaborant leurs documents d’urbanisme 
  • arrêtent d’attribuer des permis de construire qui déstructurent totalement nos villages dans le cadre de ces documents d’urbanisme désuets et qui mitent le territoire.

Pour cela, une solution accessible, immédiate et efficace : appliquer le code de l’urbanisme.

Qui peut faire et quoi, afin que le code de l’urbanisme soit enfin appliqué ?

  • Les maires peuvent et doivent abroger leurs PLU ou leurs cartes communales, et en élaborer de nouveaux compatibles avec le PADDUC en supprimant les myriades de zones constructibles illégales ;
  • le Préfet dispose de la faculté de se substituer à l’autorité compétente (la commune) si le délai de 3 ans est dépassé … ce qui est le cas ! La charge des services du contrôle de légalité diminuerait notablement pour l’urbanisme ;
  • La Collectivité de Corse peut déférer les documents d’urbanisme qui ne sont pas compatibles avec son PADDUC ;
  • La Collectivité de Corse peut demander à ses services (comme le service des routes) d’émettre des avis défavorables lors de l’examen des permis de construire lorsque ceux-ci ne respectent pas les préconisations du PADDUC (comme un accès sur une route à 450 mètres du village par exemple) ;
  • Le Syndicat d’Électrification de Corse peut demander à ses services d’émettre des avis défavorables pour le raccord à l’électricité lors de l’examen des permis de construire (comme un raccord à 450 mètres du village par exemple).

1 – https://www.inrap.fr/une-occupation-neolithique-dilligato-punta-campana-sotta-corse-du-sud-17198