ESA : un processus de désinformation a-t-il été enclenché par certains élus locaux ?

Les communes de Calvi, Algajola, Lecci, Sartè, Calenzana, Eccica Suarella, Purtivechju, etc. ont été déboutées de leur demande d’annulation des Espaces Stratégiques Agricoles (ESA) du Padduc de leurs communes respectives, ESA qu’elles avaient contestés.

http://www.ulevante.fr/la-cartographie-des-esa-de-chaque-commune-est-validee-par-les-decisions-du-ta/

Or, quelques maires de ces communes déboutées sont intervenues dans les médias pour affirmer que le Tribunal administratif avait confirmé la mauvaise localisation des ESA sur leurs communes respectives. La réalité est radicalement différente. Démonstration ci-dessous.

1 – Purtivechju

La communication des Portovechiais (Via Stella du 8/03/2018) affirme que les ESA cartographiés étaient une erreur manifeste d’appréciation. Ils illustrent leurs arguments en se faisant filmer à Murateddu (où l’échelle de la carte des ESA du padduc ne permet pas d’affirmer que les ESA rentrent dans le jardin) et sur le complexe sportif de Prunello, en affirmant que ce complexe existait en 2015 et qu’il a malgré tout été classé en ESA. https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/emissions/jt-1920-corse-corsica-sera

Détaillons l’exemple du complexe sportif de Prunello. Contrairement aux affirmations entendues, sur la carte des ESA du PADDUC approuvé en octobre 2015, les parties construites n’étaient pas classées en ESA. Les affirmations sont donc sidérantes.

Padduc, carte n°9, ESA en jaune             Image Google Earth 2017

La comparaison avec des images Google Earth de juin 2017 démontre que le stade, le parking etc, tous les équipements sportifs déjà construits en 2014 ne sont pas en ESA sur la carte du Padduc approuvé. Les terrains de tennis, construits plus tard, ne sont pas non plus en ESA.

Sur ce secteur du complexe sportif, il y a bien des ESA à proximité mais à l’extérieur des zones bâties. Le TA a considéré que ces ESA ne sont pas entachés d’erreur d’appréciation et a débouté la commune de sa requête : les arguments du maire pour contester ces ESA de l’intérieur de la rocade ont été rejetés par le TA.

Extrait du jugement qui concerne tous les ESA contestés par la commune de Purtivechju :

Ils (les ESA) « se situent, pour les secteurs de Prunello et Murtone, à proximité de vastes espaces laissés à l’état naturel et dépourvus de toute construction. Que s’agissant de l’intérieur de la rocade, les terrains litigieux, bien que situés à proximité d’un espace densément urbanisé constituant l’agglomération de Porto-Vecchio, sont encore vierges de toute construction ».

Et, en conclusion du considérant, le TA écrit : « La commune n’est pas fondée à soutenir que le classement en ESA de ces terrains serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation ».

2 – Eccica Suarella

Le maire d’Eccica Suarella déclarait dans Corse-Matin du 7 mars 2018 : « Lorsque nous avons reçu la carte des espaces stratégiques agricoles, nous nous sommes rendu compte que des parcelles de très petite taille (de l’ordre de 700 à 1 000 m2), situées en plein centre du village et enclavées entre des constructions, avaient été classées en ESA… Le Conseil municipal a donc décidé d’aller en justice. »

Contrairement aux affirmations du Maire il n’y a pas d’ESA au cœur des villages d’Eccica Suarella sur la carte n° 9. Le village d’Eccica est sur un promontoire très loin des ESA, et le hameau de Suarella est très bien détouré. En revanche, il y a des tas de constructions, la plupart détourées des ESA, dans la plaine de Saint-Jean, et il s’en construit encore beaucoup ces derniers temps !

Le TA a considéré que ces ESA ne sont pas entachés d’erreur d’appréciation et a débouté la commune de sa requête : les arguments du maire pour contester ces ESA ont été rejetés par le TA.

Extrait du jugement qui concerne tous les ESA contestés par la commune d’Eccica Suarella :

Comme pour Purtivechju, le TA écrit : « La commune d’Eccica Suarella n’est pas fondée à soutenir que le classement en ESA de ces terrains serait entaché d’erreur manifeste d’appréciation ».

Un élu territorial de la majorité colporte donc exactement les mêmes fausses nouvelles que la mairie de Purtivechju ! Dans l’interview, le maire d’Eccica Suarella explique que plus de 40 % de sa commune sont classés en zonage agricole et à peu près autant en zonage naturel… et seulement 12 % en zonage constructible, sous-entendant que ce serait « donc » très peu… La surface communale étant de 1 447 hectares, 12 % représentent plus de 173 hectares, pour une population de 1 130 habitants seulement, soit une constructibilité de plus de 1 500 m2 par habitant… on rêve. Quand on pense que les zones urbanisées d’une commune comme Bastia représentent 800 hectares soit de l’ordre de seulement 4,5 fois plus que les zones constructibles d’Eccica Suarella… pour un ratio de l’ordre de 140 m2 urbanisés par habitant…

Ces déclarations, relayées par des médias, sont sidérantes. Un processus de désinformation a donc été enclenché par certains élus locaux. Déformer les conclusions d’un jugement n’est-il pas répréhensible ?

Les opposants au PADDUC sont en train de transformer une annulation pour erreur de procédure en une reconnaissance par le juge de leurs griefs sur le fond. C’est très grave pour la crédibilité du PADDUC et c’est surtout très embêtant pour la population qui a de bonnes raisons de ne plus rien y comprendre.

L’intérêt pour les maires pourrait être le même : justifier la poursuite de la délivrance de permis de construire illégaux sur des surfaces colossales ?

La collectivité de Corse doit contester ces manœuvres grossières. U Levante le répète : en déboutant les communes (comme certains particuliers) de leurs demandes d’annulation de leurs ESA, le TA constate donc que ces zones ont été, à juste titre, classées en ESA !  

Les espaces stratégiques agricoles (ESA), tels qu’identifiés dans la cartographie du PADDUC, n’ont pas, en eux-mêmes, été remis en cause par le Tribunal Administratif de Bastia dans ses récentes décisions, sauf dans un secteur sur la commune de Peri. Toutes les autres communes qui remettaient en cause le bien-fondé du classement en ESA de certains secteurs n’ont pas eu gain de cause.  C’est fondamental puisque cela permet de remettre immédiatement en enquête publique la carte n° 9 du Padduc : lorsqu’un jugement annule une décision administrative pour un vice de procédure (ce qui est le cas pour le Padduc), pour que cette décision soit légale, il suffit pour l’administration de la reprendre en régularisant le vice de procédure retenu.

Dès lors, U Levante espère une communication de l’Exécutif en faveur du maintien de la cartographie des ESA du Padduc approuvé, sa remise rapide en enquête publique. C’est la seule solution pour sauver le Padduc et couper court aux rumeurs et aux désinformations (à but spéculatif ?).