Oletta : le zonage constructible de Chioso al Vescovo annulé pour la deuxième fois – La SARL MADR construira-telle quand même ?

Dans son jugement du 29 septembre 2022, le Tribunal administratif vient de confirmer l’inconstructibilité du zonage AUe de Chioso al Vescovo : site naturel sensible de 5,4 hectares, classé en ZNIEFF de type 1, sis à l’ouest de la commune d’Oletta, en limite de la commune de San Fiurenzu. Conséquence directe, le permis d’aménager délivré le 9 août 2021 par le maire d’Oletta à la SARL MADR, représentée par M. Teurlay, était illégal. Le Maire et le Préfet appliqueront-ils enfin les décisions de justice?

A – Extraits relatifs au secteur de Chioso al Vescovo du jugement du 29 septembre 2022 annulant sa constructibilité :

« En troisième et dernier lieu, il est constant que la zone AUe du secteur de Chioso al Vescovo, située dans un vaste espace naturel, ne se compose que de quelques constructions et n’est pas située en continuité d’un espace urbanisé au sens des dispositions précitées de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme et du PADDUC. »

« … il ressort des pièces du dossier, notamment de l’avis de la Direction départementale des territoires et de la mer de la Corse-du-Sud et de celui de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Corse d’octobre 2017, ainsi que de l’avis de l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse du 16 octobre 2017, que cet espace de 5,4 hectares se situe au sein de la ZNIEFF de type I « Basse vallée de l’Aliso et du Poggio ». Bien que des travaux de terrassement réalisés, au demeurant irrégulièrement, aient fait perdre à cet espace une partie de sa richesse écologique, celui-ci accueille des espèces de reptiles et d’oiseaux protégées. »

… « l’ouverture à l’urbanisation de la zone AUe » n’est pas « compatible avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus à l’article L. 122-9 du code de l’urbanisme. » 

… « en créant la zone AUe du secteur de Chioso al Vescovo, les auteurs du plan local d’urbanisme ont fait une inexacte application des dispositions précitées de la loi « Montagne » codifiées aux articles L. 122-5, L. 122-7 et L. 122-9 du code de l’urbanisme. »

B – Le permis d’aménager délivré le 9 août 2021 par le maire d’Oletta à la SARL MADR, représentée par M. Teurlay :

Ce permis d’aménager a été délivré alors que le secteur de Chioso al Vescovo avait déjà été déclaré inconstructible par pas moins de deux jugements du Tribunal administratif de Bastia (dossiers n°1300927 et 1300796), suite à des recours du Préfet de Haute-Corse. 

Le maire d’Oletta a donc fait fi de ces jugements de 2014 et, en 2021, ni le Préfet de Haute-Corse ni la CDC n’ont déféré ce permis… Incompréhensible, illégal, mais réel. Et aucun ne sera condamné pour ne pas avoir respecté et fait appliquer le code de l’urbanisme.

Et les travaux d’aménagement ont eu lieu pendant tout l’été 2022…

Dans ses conclusions motivées de l’enquête publique relative au PLU, Mme la Commissaire enquêtrice avait, le 2 janvier 2020, souligné les illégalités de ce zonage :

” … la création de la zone d’activités est entièrement située au sein de la ZNIEFF de type 1, mais également sur des espaces agricoles actuels (déclarés au RPG 2017). Plus de 75 % (27 800 m2) de la zone dédiée sont impactés.

Le cumul de ces deux critères et la proximité de la zone avec le cours d’eau de l’Aliso (en limite de zone inondable) aurait dû conduire la commune d’Oletta à exclure ce secteur pour l’accueil d’une zone d’activités économiques, d’autant que le secteur est concerné par le risque incendie et feux de forêt : « modéré à sévère ».” …

“Par ailleurs, il est à noter que la société MADR a continué à exploiter le site après l’annulation par le Tribunal Administratif du permis d’aménager accordé par le maire d’Oletta à la société MADR (jugement n°1300796) en date du 2 octobre 2014.

Tous ces éléments poussent à poser la question du choix de l’emplacement de la zone d’activités sur le secteur de Chioso al Vescovo, car aucun autre site d’implantation n’a été recherché depuis.

Cependant, le constat de sa dégradation actuelle ne pourrait servir de justification légale à une action anthropique, non autorisée, car le SDAGE 2016-2021 fixe un objectif de non-dégradation des zones humides et de restauration de leurs fonctions.

Il est reconnu par les experts scientifiques que la dégradation des zones humides modifie profondément les régimes d’écoulement des cours d’eau, accroît les phénomènes de crues soudaines, d’érosion des sols et accélère le transport des matières de substances toxiques. Même dégradée, une ZNIEFF peut reprendre si on la laisse à l’état naturel.

Le comblement de la zone humide pourrait conduire à une aggravation du risque inondation sur le secteur et les intempéries d’une extrême violence qui se sont abattues récemment sur la région ne sont plus aujourd’hui faits exceptionnels. Rappelons que la commune de Saint Florent est l’exutoire des cours d’eau de la Concia et de l’Aliso.

U Levante a publié en 2019 l’historique des illégalités des permis délivrés dans ce secteur et des constructions qui y ont été réalisées :

https://www.ulevante.fr/plu-doletta-zone-dactivites-de-chioso-al-vescovo-courrier-au-commissaire-enqueteur/

Le préfet et le maire peuvent encore “rattraper” ce qu’on peut assimiler à une complicité dans ce dossier, mais le feront-ils ? Le permis d’aménager a prévu 21 lots qui devront chacun obtenir un permis de construire. En se basant sur les décisions du Tribunal administratif qui a jugé pour la troisième fois les parcelles inconstructibles, le maire doit refuser de délivrer les permis de construire et le Préfet doit déférer au Tribunal administratif tout permis qui serait accordé. Ils s’honoreraient en appliquant enfin les trois décisions de justice. Mais est-il raisonnable, dans une Corse livrée aux appétits spéculatifs, d’espérer encore en l’État de droit ?