SARL Agrégats Béton Corse/P. Pifferini (Aleria) une nouvelle fois condamnés

L’arrêt* de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, statuant en matière civile, est tombé le 7 septembre 2020. La SARL Agrégats Béton Corse et son gérant de fait, Pierre Pifferini, sont déclarés coupables des faits reprochés,  sont condamnés à la totale remise en état des lieux dans un délai d’un an, à 100 € d’astreinte par jour passé ce délai et au paiement de 75 000 € (60 000 € + 15 000 €) d’amende. 

L’inscription de cette condamnation figurera au volet 2 du casier judiciaire de Pierre Pifferini, en dépit d’une demande contraire. Le jugement du tribunal correctionnel de Bastia est donc confirmé. Les faits sont requalifiés pour cause de récidive légale. La condamnation pénale est pour sa part définitive, elle a force de chose jugée et ne peut plus faire l’objet d’aucun recours

L’entrepôt de Vaccaja (Aleria) à quelques encablures du site dévasté

La carrière de Vaccaja, « située dans un espace de mobilité du Tavignano ne permettant pas à l’exploitant d’obtenir l’autorisation de l’exploiter », la SARL Agrégats Béton Corse et son gérant de fait, Pierre Piferrini, se sont donc bien gardés d’en faire la demande.

Illégale donc depuis l’origine, cette carrière n’en est pas à son coup d’essai en matière de poursuites. À cet égard, la Cour d’appel rappelle que la société exploitante incriminée a fait l’objet « de nombreuses procédures depuis 2002 pour opérations d’extraction de matériaux et de reprofilage des cours d’eau Tavignano et Corsigliese ainsi que d’actes de pollution des mêmes sites ». L”arrêt précise d’ailleurs que ses agissements ont été « sanctionnés en mai 2006, mai 2007 et le 29 mars 2017 par PV ».

Loin de faire entendre raison aux intéressés, le PV d’infractions dressé par la DDTM suivi, le 12 juin 2012, d’un arrêté préfectoral portant suspension et régularisation des travaux a même conduit, constate la Cour d’appel, non à quelque démarche de régularisation que ce soit mais, bien au contraire, à une intensification des extractions constatées une fois encore par PV. « Entre le 29 mars 2012 et le 17 juin 2014, l’entreprise a doublé la surface d’excavation, en passant de 2 hectares environ à 4 ha et de 9 000 menviron de volume stocké à environ 30 000m3 ».

Des infractions persistantes, inscrites dans la durée, commises par « la SARL et Pierre Pifferini qui ont, en toute connaissance de cause, violé les prescriptions légales et réglementaires qui leur avaient été rappelées ». Une violation du droit qui n’est nullement nié par son responsable, poursuit la Cour, puisque « Pierre Pifferini a admis explicitement avoir « continué à faire des extractions tout en sachant être dans l’illégalité ».

Le 31 mars 2016, un nouvel arrêté préfectoral faisant suite à une inspection de la DREAL d’août 2015,  fixait une date de remise en état des lieux au plus tard le 1er janvier 2020, avec calendrier d’avancement des travaux en 3 échéances. Calendrier loin d’être tenu ! Un constat qui a conduit la Cour, le reclassement du site n’étant donc pas acquis, à ordonner « la totale remise en état des lieux dans un délai d’1 an à compter du jour où la décision sera définitive, sous astreinte de 100 € par jour passé ce délai ».     

Par ailleurs, sollicité en 2014 par un agriculteur ami perdant des terres lors des inondations et souhaitant curer le lit du Rio Magno, commune d’Antisanti, Pierre Pifferini a répondu présent. Et exécuté sans la moindre autorisation, au niveau du pont de la RD 43, des travaux nuisibles à l’eau et au milieu aquatique par reprofilage et extraction de sédiments dans le lit mineur de ce cours d’eau.

Si un homme averti en vaut deux, le dicton est sans effet pour Pierre Pifferini. Ainsi, le 16 octobre 2014, PV d’infractions sera dressé par la DDTM suivi d’un contrôle de celle-ci le 20 octobre 2014 avec rappel à l’intéressé de « l’interdiction d’utiliser des matériaux de rivière issus du lit mineur du Rio Magno » puis établissement d’un nouveau PV d’infractions le 16 décembre 2014 faisant suite aux constations des agents de l’ONEMA.

Constatations dont il ressort : lit mineur du Rio Magno enfoncé, augmentation de la vitesse du courant et donc de l’érosion, craintes de crues augmentées avec risques de dommages aggravés pour les riverains du Rio Magno et du Tavignano, déstabilisation des fonds et abaissement de la nappe alluviale.

Mais business is business. Le jeu n’en valait-il pas la chandelle pour Pierre Pifferini ? Les agents de l’ONEMA ont évalué le cubage des matériaux extraits du Rio Magno (4 929 m3) à la somme de 157 853 € peut-on lire dans l’arrêt de la Cour qui ne s’y est guère trompée : « l’extraction des matériaux alluvionnaires riches (…) a été source de profits suffisamment significatifs pour que ses dirigeants acceptent de prendre le risque d’une condamnation pénale dont le montant ne peut qu’être limité par rapport aux gains réalisés… »

L’ensemble de ces faits, requalifiés pour cause de récidive légale des prévenus, a également conduit la Cour d’appel au prononcé d’une condamnation de la SARL et de son représentant, Pierre Pifferini, à une amende solidaire de 60 000 € et, pour ce dernier seul, à 15 000 € d’amende.

La persistance des comportements délictueux de la SARL et de Pierre Pifferini n’a pas manqué d’être relevée par la Cour, laquelle a rejeté la demande de non-inscription de la décision au volet B2 du casier judiciaire formulée par celui-ci.

A la lecture de l’arrêt du 7 septembre dernier, difficile de ne pas écrire que les condamnations sont édifiantes. En deux ans, soit les 8 juin et 14 octobre 2011, puis les 10 avril et 2 juillet 2013, la SARL Agrégats Béton Corse a été condamnée pour des faits de pollution, exécution sans autorisation de travaux nuisibles au débit des eaux et au milieu aquatique, altération ou dégradation du milieu d’une espèce animale protégée, exploitation non autorisée d’une installation classée pour la protection de l’environnement.

Personnellement, Pierre Pifferini a fait l’objet, le 14 octobre 2011, d’une condamnation à 10 000 € d’amende. Puis d’une condamnation par le tribunal correctionnel de Bastia, le 17 janvier 2017, à une peine de 6 mois d’emprisonnement assortie d’un sursis et à 25 000 euros d’amende pour « recel habituel de biens provenant d’un délit ».

Importante pollueuse, délinquante récidiviste, la SARL Agrégats Béton Corse est partie prenante de la SARL Oriente Environnement qui veut réaliser le projet de centre d’enfouissement de déchets et de déblais de terres amiantifères de Ghjuncaghju/Giuncaggio… Et les citoyens devraient avoir confiance ?

Le lit du Tavignani (Aleria) et celui du Rio Magno (Antisanti) ont été et sont encore dévastés suite à l’extraction sans autorisation de milliers de tonnes de sable et de gravier par l’entreprise Agrégats Béton Corse (P. Pifferini). Elle a détruit milieux et espèces d’une partie du site Natura 2000 – FR9400602 “Basse vallée du Tavignano”et augmenté les risques d’inondation en aval.

La vaste plateforme de boue visible sur les photographies ci-dessous est due à l’excavation depuis 2012 de matériaux par la société Agrégats Béton Corse. Quand le Tavignani est en hautes eaux elle se transforme en “lac”.

Le site d’excavation de Vaccaja le 19/02/2020

La régularisation étant impossible à obtenir, par deux arrêtés en date du 13 décembre 2019 le Préfet de Haute-Corse a interdit toute l’exploitation et, le 16 juin 2020 il a également infligé, par arrêté préfectoral 2B-2020-06-16-007, une nouvelle amende administrative à la société « AGRÉGATS BÉTON CORSE » pour la carrière irrégulièrement exploitée au lieu-dit « Vaccaja », sur la commune d’Aleria. La SARL a été également mise en demeure de recycler les eaux industrielles ainsi que les eaux de lavage de la centrale à béton et des camions toupies (les inspecteurs avaient constaté que “la société « AGRÉGATS BÉTON CORSE » rejette directement les eaux de procédé et les eaux de lavage de la centrale à béton et des camions toupies dans le milieu naturel “). 

Et le 7 octobre 2020

À relire :

https://www.ulevante.fr/condamnation-de-pierre-pifferini-et-la-sarl-agregats-beton-corse/

https://www.ulevante.fr/nouvelle-condamnation-de-p-pifferini-et-de-la-sarl-agregats-beton-corse/