Une résidence illégale de 54 villas, un bar restaurant, une piscine et un logement de gardiens de la SA Rondinara loisirs à Rundinara, Bunifaziu : nouvelles condamnations mais pas de démolition

L’affaire dure depuis 2008, un marathon judiciaire – La banque Lefèvre avait obtenu du maire de Bonifacio un permis tacite illégal pour un complexe touristique de 54 maisons sur des parcelles dont la Cour d’appel administrative de Marseille a déclaré l’inconstructibilité. Malgré les demandes d’interruption de travaux formulées par ABCDE et U Levante, la construction des “Terrasses de Rondinara” a continué jusqu’en 2020. Le 16 mai 2022, la Cour d’appel de Montpellier condamne la S.A.R.L. L.G. Milanini BTP et la S.A. Rondinara Loisirs et son dirigeant Ange Lucciani, à payer à chacune des associations ABCDE et U Levante 100 000 euros au titre des préjudices de la protection de l’environnement mais n’impose pas la démolition alors que le site est saccagé.

L’amende paraît dérisoire comparée aux bénéfices tirés des locations.

Les Terrasses de Rondinara” : complexe touristique illégal au-dessus du golfe de Rundinara en février 2021

Aucun permis pour ces 54 villas, même tacite, n’a été accordé sur ce secteur de Rondinara : la commune a délibérément oublié d’instruire la demande de permis, ce qui l’a rendu tacite sans qu’aucun arrêté de permis tacite n’ait été signé par la mairie. Il lui était difficile de l’accorder dans ce zonage dont ABCDE avait demandé l’annulation au titre du L 146-6 auprès de la Cour d’appel de Marseille et qui ne possédait aucun réseau.
La demande de permis n’a pas été transmise pour le contrôle de légalité. La sous-préfecture a affirmé avoir reçu le dossier beaucoup plus tard, hors délais. L’enquête de gendarmerie a révélé qu’il n’y a eu aucun affichage en mairie. Sur le terrain, le panneau a été “vu” beaucoup plus tard, après que tout recours est devenu impossible, fin 2009-début 2010. Les travaux de terrassement ont alors commencé.

Ce permis de construire n’a donc pas pu être attaqué dans les délais devant le Tribunal administratif ; cependant, l’arrêt de la Cour d’appel de Marseille ANNULANT LA CONSTRUCTIBILITÉ DU ZONAGE a été signifié au pétitionnaire, au propriétaire et aux entreprises en charge des travaux AVANT leur lancement ; malgré tout, les travaux ont commencé et ils sont depuis terminés.

Depuis 14 ans ABCDE et U Levante, avec l’aide au départ de la fondation Terre Humaine et de Me Busson, se battent pour obtenir la démolition de cet énorme complexe touristique. Aucune action de l’État n’a eu lieu.

Depuis de nombreuses années et aujourd’hui encore, certains promoteurs construisent illégalement parce qu’ils savent que, même si les tribunaux administratifs annulent leurs permis et si les tribunaux correctionnels les condamnent à de fortes amendes (200 000 euros pour ce complexe touristique ou un million d’euros pour les villas Ferracci sises à quelques centaines de mètres), la démolition n’est pas toujours obtenue. Ces constructions rapportant énormément d’argent, les amendes ne sont pas dissuasives et les plus dénués de tout scrupule construisent sur les sites les plus prestigieux. Hier sur Piantarella, aujourd’hui sur Rundinara

Or, comme l’a écrit le Juge Thomas Meindl, président du tribunal correctionnel de Bastia le 13/05/2022 (n° parquet : 20188000022, affaire paillote « Chez Antho ») :

« La remise en état des lieux est la conséquence pratique sur le terrain de l’irrégularité d’une construction. Il s’agit d’une mesure réelle et non d’une peine, destinée à faire cesser l’infraction. À défaut, l’absence de remise en état permettrait au maître d’ouvrage « d’acheter » l’irrégularité par le paiement d’une amende suite à une ordonnance pénale, aussi élevée soit-elle. … le juge doit individualiser cette mesure par un contrôle d’utilité et de proportionnalité. »

La Cour de Montpellier n’a, c’est extrêmement regrettable, pas ordonné la remise en état des lieux à Rundinara.

Décisions des tribunaux administratifs :

13 juillet 2006 la commune de Bonifacio approuve le PLU qui comprend à Rondinara les zonages AUL1a et AUL3a. ABCDE le défère au TA.

28 juin 2007 :  jugement du TA :  ABCDE obtient l’annulation partielle du PLU, sauf pour un secteur ouvert à l’urbanisation situé à Rondinara. ABCDE fait appel. 

11 février 2008 : dépôt d’un PC par le groupe Lefèvre « RONDINARA LOISIRS SA » sur les terrains Lefèvre à Rondinara en vue de la réalisation d’une résidence de loisirs de 54 habitations, ++, au moment même où l’association ABCDE demande à la Cour administrative d’appel de déclarer ce site inconstructible.

11 avril 2008 : le maire, au lieu d’attendre la décision du tribunal, « oublie » d’instruire le dossier. La demande de permis se transforme en PC tacitement obtenu… dans une zone que le tribunal déclarera être un espace remarquable inconstructible. La société pétitionnaire s’est trouvée titulaire d’un permis de construire tacite né le 9 novembre 2008.

21 mai 2010 : la Cour administrative d’appel reconnaît l’illégalité du zonage de Rundinara car situé en espace remarquable de la loi Littoral, pratiquement vierge de toute construction. La Cour reconnaît également que le permis de construire litigieux, délivré tacitement le 11 avril 2008, était donc entaché d’illégalité et que le maire de Bunifaziu a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en délivrant tacitement le permis de construire litigieux.

29 septembre 2010 :  ABCDE et U Levante, se fondant sur l’arrêt du 21 mai saisissent le maire de la commune de Bonifacio d’une réclamation préalable afin d’obtenir réparation du préjudice qu’elles estiment avoir subi en leur qualité d’associations oeuvrant pour la protection du littoral. 

Été 2010 : premiers défrichements et début des travaux.

3 septembre 2010 : mise en demeure adressée en RAR aux prévenus.

12 avril 2012 : le tribunal administratif de Bastia juge illégal le PC délivré, condamne la commune à verser à l’association ABCDE et à l’association U Levante la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi. La commune fait appel.

27 mars 2014 : la Cour administrative d’appel de Marseille (dossier 12MA02298) déclare elle aussi le permis Lefèvre/ Rondinara loisirs illégal. Elle conclut au rejet au fond de la requête d’appel du maire de Bunifaziu… et donne donc raison à ABCDE et U Levante. La Cour rappelle également que l’illégalité d’un acte administratif constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique au nom de laquelle cet acte a été pris.

Décisions des tribunaux correctionnels :

4 février 2014 :  audience du tribunal correctionnel d’Aiacciu. Les associations demandent au tribunal de prononcer la démolition des constructions Lefèvre à Rundinara (54 logements à but touristique) puisque les tribunaux ont déclaré le site inconstructible et le permis illégal.

11 mars 2014 : jugement du tribunal correctionnel d’Ajaccio : les deux associations demandent la démolition. U Levante est déclaré irrecevable, débouté et condamné et la constitution de partie civile d’ABCDE irrecevable également ! Les associations font appel. 

18 novembre 2015 :  Cour d’appel correctionnelle de Bastia : confirme l’irrecevabilité de ABCDE et confirme le refus de la démolition. U Levante est recevable.

ABCDE et U Levante vont en cassation : 

7 mars 2017 : la Chambre criminelle de la cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel de Bastia, estime fondée l’action des deux associations et demande à la Cour d’appel de Montpellier de rejuger l’affaire qui ne sera audiencée qu’en avril 2022 suite à plusieurs renvois.

16 mai 2022 : la Cour d’appel de Montpellier déclare recevables les deux associations, condamne la S.A.R.L. L.G. Milanini BTP et la S.A. Rondinara Loisirs et son dirigeant Ange Lucciani à payer à chacune des associations ABCDE et U Levante 100 000 euros au titre des préjudices de la protection de l’environnement mais n’impose pas la démolition. L’amende paraît dérisoire comparée aux bénéfices tirés des locations.

https://www.ulevante.fr/demolition-des-constructions-illegales-en-corse-yes-we-can/

https://www.ulevante.fr/rundinara-bunifaziubonifacio-residence-touristique-la-realite-par-les-preuves/

L’arrêt :